Corps de l’article

1. Introduction

La presse est sans doute l’un des meilleurs reflets d’une société, ce pour quoi elle constitue une source précieuse permettant d’étudier tant les évènements les plus importants que les faits davantage anecdotiques. La presse fait souvent appel à des sources d’information étrangères et en langues étrangères. C’est le cas de la presse actuelle[1], mais également de la presse ancienne. En faisant référence à la presse ancienne, Jean-Marie Lebel (1982 : 90) commente que « le rédacteur du xixe siècle écrivait avec une paire de ciseaux ». La presse européenne du xviiie siècle illustre bien les liens historiques entre la presse et la traduction. Instrument idéal pour la propagation d’idées et de savoirs étrangers, les journaux de l’époque participent aux débats culturels et à la diffusion de nouvelles étrangères (Martínez Shaw 1998). Le lecteur curieux des Lumières retrouve dans la presse ce qu’il n’a pas dans les livres : une source d’information sur l’actualité de l’Europe et des endroits les plus lointains (Hernando 1999). À titre d’exemple, le Diario de los literatos de España [Journal des lettrés d’Espagne], publié en 1737, traduit un grand nombre de nouvelles du périodique français Journal des savants (Hernando 1999).

De l’autre côté de La Manche, la présence de nouvelles traduites dans la presse locale est également notoire. La presse britannique fait fréquemment usage des journaux étrangers comme source d’information. Cette activité traductionnelle récurrente est souvent décrite en termes de « plagiat » : « The major source of foreign news was plagiarism from other newspapers, either British or European » (Black 1986 : 64). Le journal anglais The Times, par exemple, publie des nouvelles provenant de journaux états-uniens, espagnols et français. Pratique courante pour les rédacteurs de l’époque, la traduction leur permet de se ressourcer et de rester au courant des évènements ayant lieu à l’étranger. La traduction est parfois présentée de manière explicite, comme l’illustre le journal anglais Bell’s Weekly Messenger, qui publie des informations traduites du français et de l’espagnol : « Foreign News. From the French Papers » (Bell’s Weekly Messenger 04/08/1811 : 2), ou encore « Translated from the Spanish […] » (Bell’s Weekly Messenger 04/08/1811 : 3).

La presse hispano-américaine du xixe siècle en est un autre exemple, puisque les rédacteurs consacrent énormément de temps à la sélection et à la traduction de nouvelles provenant de périodiques étrangers. Tirées surtout de journaux publiés en Europe, dans les Caraïbes et aux États-Unis, les nouvelles traduites dans la presse hispano-américaine participent au projet d’émancipation politique de l’Amérique hispanique. Les traducteurs, par divers procédés, mettent la traduction au service de leurs idéaux politiques (Bastin et Navarro 2014 ; Bastin, Navarro et Iturriza 2010 ; Navarro 2011, 2013, 2014, 2018).

La traduction occupe également une place importante dans la presse canadienne francophone du xixe siècle, dans la mesure où les rédacteurs puisent des nouvelles dans des journaux publiés à l’étranger et en langue étrangère, ainsi que dans des documents gouvernementaux, écrits alors généralement en anglais. Dans notre travail, nous nous penchons sur la place de la traduction dans La Minerve, l’un des premiers périodiques publiés à Montréal. Ce périodique revêt une importance particulière, car il participe à différents moments historiques tout au long du xixe siècle et témoigne des changements politiques et sociaux ayant eu lieu pendant une période charnière de l’histoire canadienne : La Minerve est née à l’époque coloniale dans le territoire du Bas-Canada (1826) et appuie les Rébellions patriotes (1837-1838). Après une interruption de cinq ans (1837-1842), la publication de La Minerve reprend dans le contexte du Canada-Uni (1842). Par la suite, elle soutient le projet de Confédération dirigé par John A. Macdonald. La publication du journal prend fin pour de bon en 1899.

Il importe de se rappeler que le début du xixe siècle au Bas-Canada est une période caractérisée par de constantes querelles entre francophones et anglophones[2]. Malgré leur majorité à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, les députés francophones sont privés d’un véritable contrôle de la colonie (Gallichan 2012). Dans les faits, ce sont les anglophones qui conforment le vrai gouvernement de la colonie, représenté en la personne du gouverneur Lord Dalhousie et du Conseil exécutif. Le Bas-Canada vit dès lors l’une des plus grandes crises de son histoire coloniale (Gallichan 2012). La Minerve, pour sa part, se porte ouvertement à la défense des Canadiens français.

Dans ce contexte colonial, les activités de traduction officielle et administrative se font essentiellement, voire exclusivement, de l’anglais (langue dominante) vers le français (langue dominée). Il s’agit donc d’une « infratraduction », ou de la traduction faite « vers le bas », laquelle prédomine dans des contextes coloniaux (Simon 1989 : 19). L’étude de la traduction dans la presse publiée pendant cette période permet d’observer ce « rapport d’inégalité politique » (Simon 1989 : 19) entre le Canada anglais et le Canada français. Ludger Duvernay, propriétaire et rédacteur de La Minerve, fait état de cette situation dès 1828 quand il regrette devoir toujours passer par la traduction, puisque tous les documents officiels de la politique coloniale sont rédigés en anglais :

Nous ne pouvons trop le repéter à ceux de nos abonnés que nos travaux n’auraient pas entièrement satisfaits, la publication d’un journal en langue française dans le Bas-Canada est extrêmement difficile et pénible ; l’Éditeur est réduit à traduire laborieusement d’une langue étrangère presque tous les morceaux qui remplissent son papier […]. Mais à peine avons-nous le tems, après toutes ces traductions de nous livrer à quelques réflexions sur les affaires du Pays. Encore si l’on n’avait à traduire que les nouvelles étrangères ; on pourrait à la rigueur s’en passer. Mais les documens authentiques et officiels de notre politique coloniale, les procédés législatifs et judiciaires des colonies britanniques voisines, les écrits des papiers anglais qui regardent le Canada, enfin sans exception tout ce qui peut éclairer le peuple sur ses droits, ses devoirs, et ses rapports avec le gouvernement, nous vient dans une langue étrangère ; il faut l’habiller du langage du peuple pour qu’il puisse en profiter.

La Minerve 17/11/1828 : 3, nous soulignons[3]

Ce travail s’inscrit dans les études descriptives de la traduction (Toury 1985, 1995 ; Hermans 1985, 1999 ; Bassnett et Lefevere 1990) et étudie l’activité traductionnelle aux débuts de La Minerve, entre 1826 et 1828, alors que le journal est le porte-parole des patriotes. Dans un premier temps, nous parlerons des sources employées, des sujets des nouvelles traduites, ainsi que du discours entourant la traduction. Par la suite, nous commenterons quelques exemples de traduction liés aux élections à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada (1827), qui laissent entrevoir l’emploi de la traduction comme outil de défense des droits des Canadiens francophones. Nous faisons appel aux stratégies pragmatiques telles que proposées par Andrew Chesterman (1997) et reprises par Chantal Gagnon (2006) (parmi lesquelles le choix du degré d’explicité, l’omission ou l’addition d’information, la traduction partielle et la visibilité du traducteur), ainsi qu’aux fonctions stratégiques[4] de Paul Chilton et Christina Schäffner (1997/2011), en particulier celle de légitimation et délégitimation (dans le but de présenter des arguments pour légitimer ou délégitimer les idées ou les gestes de l’adversaire politique).

En outre, dans ce travail, la traduction est envisagée comme un discours historique qui « contributes to an awareness of the elements underlying one’s own culture, conditioning the definition of one’s collective self in terms of (and very often in denial of) another, the other » (St-Pierre 1993 : 61). Bref, les exemples cités plus loin dans cet article démontrent que la traduction dans La Minerve est employée en tant qu’instrument de défense du peuple canadien francophone (le nous auquel fait référence St-Pierre), entouré d’anglophones (l’Autre).

2. La traduction aux débuts de La Minerve (1826-1828)

En novembre 1826, Augustin-Norbert Morin lance La Minerve à Montréal. Dans le prospectus, il annonce la fréquence et les jours de publication, ainsi que le prix du périodique : « La Minerve se publie deux fois par semaine, le Lundi et le Jeudi soir. L’abonnement est de quatre piastres par année, et de cinq lorsqu’on l’envoie par la poste, payables en deux termes » (La Minerve 09/11/1826 : 1, italiques dans l’original). Le rédacteur affirme, d’ailleurs, que le journal cherche à contribuer à l’instruction de la jeunesse et à la propagation de la connaissance (La Minerve 09/11/1826 : 1). À cet égard, il mentionne que La Minerve suivra de près la politique du pays (notamment les débats de la Chambre de l’assemblée). Il ajoute que l’histoire du pays, l’agriculture, la littérature et la politique étrangère seront des sujets abordés dans le journal. Le rédacteur invite également « les personnes éclairées » à devenir des correspondants du périodique (La Minerve 09/11/1826 : 3). Faute d’abonnés, La Minerve cesse quatre semaines plus tard, le 27 novembre 1826, avec seulement cinq numéros publiés sous la direction de Morin. Rachetée par l’homme politique et l’éditeur Ludger Duvernay au début de 1827, La Minerve devient une publication politique très influente[5]. Selon son éditeur, le nombre d’abonnés est d’environ 1300 en 1832 (La Minerve 16/08/1832 : 2), ce qui représente un tirage très respectable à l’époque[6].

Cet article aborde l’activité traductionnelle pendant les deux premières années de La Minerve (1826-1828), alors qu’elle est la porte-parole des patriotes[7]. Nous avons d’abord dépouillé notre corpus, à savoir tous les exemplaires publiés entre novembre 1826 et décembre 1828 (202 numéros). Il faut préciser d’ailleurs que, dans la presse ancienne, les traductions ne sont pas toujours présentées comme telles. En effet, la traduction peut apparaître sous plusieurs formes, allant au-delà des perspectives traditionnelles. S’il est vrai que la traduction dans la presse peut être littérale et intégrale, elle peut également être partielle, voire prendre la forme d’un texte hybride combinant la traduction stricto sensu de certains passages, le discours indirect, le résumé et les commentaires. Une perspective plus large de la traduction en tant que concept et objet d’étude (Tymoczko 2007) est donc nécessaire. Sur le plan de la présentation, l’éditeur peut employer divers moyens pour signaler la présence d’une traduction, soit la mention explicite dans le titre ou le sous-titre, soit une note de bas de page, des majuscules, des guillemets, des parenthèses, entre autres. Cependant, ces moyens ne sont pas utilisés de manière systématique et la traduction n’est pas toujours présentée de manière explicite, ce qui rend plus difficile le repérage de passages traduits.

Le dépouillement du corpus a permis de repérer les textes qui sont le produit, total ou partiel, d’une activité traductionnelle. Dans les 202 numéros publiés entre 1826 et 1828, nous avons identifié 1061 traductions, y compris de courts textes et des phrases publiés en langue étrangère (principalement en anglais et, en fréquence moindre, en latin), constatant ainsi la présence significative de traductions dans les pages de La Minerve (en moyenne, quelque cinq traductions sont publiées par numéro). Dans les sections qui suivent, nous parlerons des sources des textes traduits dans La Minerve, des sujets des nouvelles traduites, ainsi que du discours sur la traduction circulant dans le journal.

2.1 Les sources de La Minerve

La traduction constitue une tâche chronophage pour le rédacteur de La Minerve. Comme observé à la figure 1, les périodiques étrangers et en langue étrangère constituent la principale source d’information, suivis des documents officiels émanant du gouvernement colonial et, en moindre fréquence, la correspondance privée et les extraits provenant de livres. En ce qui concerne les documents gouvernementaux, il faudrait souligner que la presse ancienne dépend du soutien économique du gouvernement. En général, ce dernier lui accorde une subvention et fournit la matière à imprimer en échange de la publication des avis et documents officiels. Le Bas-Canada ne fait pas exception (Felteau 1983). Ces documents gouvernementaux, rédigés généralement en anglais, doivent passer par la traduction afin d’être publiés dans La Minerve, tel que l’affirme son rédacteur (La Minerve 17/11/1828 : 3).

Figure 1

Les sources de La Minerve

Les sources de La Minerve

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En outre, il est important de mentionner que retracer les sources employées par le rédacteur de la presse ancienne n’est pas chose facile. Parfois, la source de la nouvelle est clairement indiquée dans La Minerve, tel que nous l’observons dans les exemples qui suivent : dans la section POLITIQUE ETRANGERE, on retrouve le sous-titre : « Traduit du Journal du Commerce de New York » (La Minerve 17/11/1828 : 2) ; au début de la nouvelle, l’éditeur commente par ailleurs : « Nous traduisons ce qui suit du Canadian Spectator » (La Minerve 15/02/1827 : 3). Cependant, il arrive très souvent que des données manquantes entravent l’identification des textes sources : parfois, le nom du périodique source n’est pas mentionné ou, s’il est mentionné, il n’y a pas de date de publication. Voyons quelques exemples :

Figure 2

La Minerve (05/07/1827 : 2-3)

La Minerve (05/07/1827 : 2-3)

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Dans la figure 2, l’éditeur de La Minerve mentionne le périodique anglais le Times (s/d), qui cite pour sa part des papiers de Hambourg (s/d). Aucune des deux sources ne contient de date de publication et le nom de la deuxième source n’est pas précisé.

Figure 3

La Minerve (05/07/1827 : 3)

La Minerve (05/07/1827 : 3)

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Dans cet autre exemple (figure 3), La Minerve cite une Lettre de Kingston (Jamaïque) (26/05/1827), publiée et commentée dans la Gazette de Philadelphie (s/d). Cette dernière est sûrement la source directe de La Minerve. Même si ce n’est pas systématique, notons l’utilisation des caractères orthotypographiques (les guillemets, les majuscules, les parenthèses et les italiques), typiquement employés par les éditeurs de l’époque pour signaler soit des textes traduits, soit des textes tirés d’autres sources.

Figure 4

La Minerve (06/09/1827 : 3)

La Minerve (06/09/1827 : 3)

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Tel qu’observé dans la figure 4, le nom de la source n’est toujours pas mentionné dans La Minerve : « Les dernières dates [périodiques] de Londres sont jusqu’au 30 Juillet » (La Minerve 06/09/1827 : 3). Dans la nouvelle, on cite également « Les Journaux françois », sans donner de référence ou de date précise. Dans cette même veine, il faut mentionner que le rédacteur de La Minerve emploie à l’occasion des sous-titres plus généraux pour indiquer que les nouvelles proviennent des sources étrangères, sans toutefois mentionner la source exacte, par exemple : EXTRAITS DES JOURNAUX ÉTRANGERS (La Minerve 14/02/1828 ; 18/02/1828) ou EXTRAITS DES JOURNAUX AMÉRICAINS (La Minerve 25/02/1828), ce qui rend encore plus difficile la tâche de retrouver la source employée par La Minerve.

L’emploi des périodiques étrangers et en langue étrangère comme source d’information est fréquent depuis les débuts de La Minerve. À titre d’exemple, au mois de novembre 1826, les premiers numéros contiennent des nouvelles traduites provenant des périodiques étrangers : les journaux états-uniens Le Courier de Charleston [The Charleston Courier][8], le Nat. Journal [Daily National Journal ?] et le Com. Adv. [New-York Commercial Advertiser], ainsi que l’anglais Mercure de Leeds [The Leeds Mercury] (La Minerve 09/11/1826 ; 13/11/1826).

Duvernay reçoit régulièrement un nombre considérable de périodiques étrangers auxquels il est abonné. À cette époque, les nouvelles étrangères arrivent à Montréal principalement par les bateaux qui débarquent d’Europe une ou deux fois par mois aux ports de Québec, d’Halifax, de Boston et de New York (Lebel 1982). La situation devient plus difficile pendant l’hiver, car la glace empêche la navigation et limite l’arrivée de nouvelles, en particulier à Québec, ville située à l’intérieur du continent. Il n’est donc pas étonnant de se retrouver occasionnellement sans nouvelles de l’étranger, comme le démontrent les affirmations suivantes du rédacteur : « La malle américaine due aujourd’hui n’était pas encore arrivée au moment de mettre notre feuille sous la presse » (La Minerve 31/07/1828 : 3) ou « Nous sommes encore sans nouvelles d’Europe » (La Minerve 27/10/1828 : 3).

Figure 5

La Minerve (06/09/1827 : 3)

La Minerve (06/09/1827 : 3)

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En ce qui concerne le pays d’origine des sources de La Minerve (figure 5), celles citées proviennent majoritairement des colonies britanniques d’Amérique du Nord et du Royaume-Uni. Les sources états-uniennes sont également employées et, en moindre fréquence, des sources provenant d’autres pays européens (l’Italie, la Suède et l’Allemagne, par exemple) et d’autres coins du monde (le Pérou, le Brésil, entre autres). Voici quelques-unes des sources citées dans La Minerve :

  1. Périodiques provenant des colonies britanniques d’Amérique du Nord :

    1. Bas-Canada :Canadian Spectator, Canadian Courant and Montreal Advertiser, Montreal Herald, Montreal Gazette, Quebec Gazette, Quebec Mercury, Quebec Herald, The Star.

    2. Haut-Canada :Brockville Recorder, Colonial Advocate, Canadian Freeman, Upper Canada Herald, The Gore Gazette and Ancaster.

    3. Nouvelle-Écosse :Acadian Recorder, Colonial Patriot, Free Press.

  2. Périodiques étrangers :

    1. Royaume-Uni :Gore’s Liverpool Advertiser, Leeds Mercury, Liverpool Mercury, London Morning Herald, London Weekly Review, Morning Chronicle, The British Colonist, The Courier, The Edinburgh Review, The Times, The Examiner, The Globe.

    2. États-Unis : Des périodiques de New York, Washington, Philadelphie, Boston, Baltimore et d’ailleurs : Boston Daily Advertiser, Boston Gazette, Boston Palladium, Charleston Courier, Mercantile Daily Advertiser, National Journal, New York American, New York Daily Advertiser, New York Spectator, New York Mirror, New York Enquirer, Nile’s Register, Richmond Enquirer, Rochester Daily Advertiser et St. Louis Journal.

Quant à la langue source, l’anglais est évidemment la principale langue traduite pendant la période patriote de La Minerve (1826-1828). Outre les textes proprement traduits, il est possible d’observer des termes en langue étrangère accompagnés de leurs équivalents français. Dans le texte VOYAGE D’UN FRANÇOIS EN ANGLETERRE (La Minerve 16/11/1826 : 1-2), on remarque la présence de termes anglais traduits en français, l’un ou l’autre étant entre parenthèses ; notons, par exemple : « to go up to town (aller en ville) » (La Minerve 16/11/1826 : 1, italiques dans l’original), ou « Sociétés des livres (Book-Societies) » (La Minerve 16/11/1826 : 1, italiques dans l’original). Dans l’article « MOEUS [MOeURS] DES PEUPLES DE L’ANDALOUSIE » (La Minerve 15/02/1827 : 4), on retrouve des mots espagnols en italiques, suivis d’une explication en français, par exemple :

Lamantilla, espère [espèce] de grand voile de laine que les femmes du peuple portent communément en Andalousie, et qui leur cache quelquefois toute la figure, excepté les yeux, a pour origine la pièce de drap dont les femmes s’enveloppent dans l’Orient lorsqu’elles sortent.

La Minerve 15/02/1827 : 4

Quoique ce ne soit pas courant, des phrases et des textes en langue étrangère sont également publiés dans La Minerve. Par exemple, un texte en anglais intitulé « East Ward of Montreal » s’adresse aux électeurs anglophones de ce comté leur demandant de participer aux élections (La Minerve 26/07/1827 : 4). Un avis publié en anglais provenant du Canadian Spectator sollicite les services d’un imprimeur pour ce périodique (La Minerve 16/08/1827 : 4). Beaucoup moins courant, il est également possible de trouver des phrases en latin. Par exemple, dans une lettre intitulée POUR LA MINERVE, on retrouve la phrase « Num et Saul inter Prophetas ? », sans traduction française (La Minerve 16/04/1827 : 3, italiques dans l’original). Un autre exemple, cette fois-ci avec son équivalent en français, est la phrase suivante : « un bill concernant la contrainte par corps (copias ad satisfaciendum) […] » (La Minerve 05/03/1827 : 3, italiques dans l’original).

2.2 Les nouvelles traduites dans La Minerve

La presse canadienne publiée à la fin du xviiie siècle et au début du xixe siècle joue un rôle très significatif, dans la mesure où elle offre des témoignages « sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale, intellectuelle et artistique » de la société de l’époque (Lagrave 1980 : 12).

Figure 6

La Minerve (14/01/1828 : X)

La Minerve (14/01/1828 : X)

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Tel qu’on pouvait s’y attendre, le contenu des nouvelles traduites dans La Minerve porte principalement sur des sujets politiques (figure 6). En effet, c’est la tendance de la grande majorité des gazettes de l’époque : publier principalement des nouvelles politiques. Les nouvelles sur l’actualité européenne et sur la situation politique du Vieux Continent éveillent beaucoup d’intérêt chez les lecteurs de La Minerve. Cependant, c’est l’actualité politique canadienne qui occupe la plus grande partie des pages du périodique. À titre d’exemple, La Minerve suit de près les élections dans l’Assemblée du Bas-Canada, nouvelles qu’on discutera plus loin dans cet article.

En outre, La Minerve informe également sur les faits mineurs de la vie de société, notamment des naissances, des mariages et des décès. Il arrive souvent que ces nouvelles soient tirées d’un journal publié en langue étrangère, devant passer alors par la traduction pour être publiées dans La Minerve. Les exemples suivants montrent dans quelle mesure la traduction participe à la vie de société au Canada.

Une nouvelle traduite du M. Herald [Montreal Herald] (s/d) annonce un mariage « forcé » ayant eu lieu dans la ville de Dalhousie, dans le Haut-Canada (La Minerve 13/03/1828 : 4). Une autre nouvelle traduite du périodique Courant (s/d) porte sur le décès tragique d’un enfant d’environ quatre ans à Lachine (La Minerve 25/09/1828 : 3). La publication du texte Enterremens dans les Villes, traduit de la Gazette de Boston, aborde les différentes façons de procéder pour les enterrements dans plusieurs villes françaises, afin de « convaincre du danger qu’il y a à enterrer dans les villes » (La Minerve 25/06/1827 : 2), soulignant là un intérêt public.

Des faits curieux trouvent également leur place dans La Minerve. Sous le titre VARIÉTÉS, le rédacteur de La Minerve commente une nouvelle traduite du New York Republican (s/d) qui annonce la mort d’un particulier, décédé « en payant une vieille dette » (La Minerve 06/08/1827 : 1). Ayant causé de l’inquiétude à beaucoup de personnes, l’éditeur de ladite gazette new-yorkaise annonce à ses abonnés qu’il recevra en paiement pour la gazette « toute espèce de denrées du pays » (La Minerve 06/08/1827 : 1). La longue liste de denrées inclut de la viande, des oeufs, du fromage et des patates.

Quelques nouvelles liées à des sujets médicaux ont été repérées dans La Minerve. Une nouvelle intitulée « Opération nouvelle de chirurgie » explique en détail toutes les étapes ainsi que les instruments nécessaires pour couper la partie affectée d’une dent, procédure médicale qui peut être menée « avec la plus grande facilité » (La Minerve 04/10/1827 : 1). Le texte est tiré d’un Papier de Londres (s/d), mais la référence précise du texte source n’est pas mentionnée (ni le nom du périodique ni la date de publication ne sont indiqués). De l’Albion de Liverpool (s/d) on traduit une nouvelle qui annonce un « REMEDE CONTRE L’ASPHIXIE PAR SUBMERSION » (La Minerve 03/04/1828 : 1, majuscules dans l’original). Selon l’Albion, la façon de traiter le patient a été la suivante : après avoir tiré dix onces de sang du bras du patient, « la circulation et la respiration se rétablirent peu à peu » (La Minerve 03/04/1828 : 1). Le texte conclut que « l’on ne devrait abandonner l’espérance de sauver un noyé, que lorsque le corps commence à se décomposer » (La Minerve 03/04/1828 : 1).

Par ailleurs, des traductions littéraires courtes sont publiées dans La Minerve. Ceci est surtout fréquent pendant l’hiver, puisque l’interruption de la navigation empêche ou retarde l’arrivée des périodiques étrangers. Lorsque le rédacteur se retrouve sans nouvelles de l’étranger, il doit « se rabattre sur des extraits d’auteurs à la mode […] » (Felteau 1983 : 17). Notons, par exemple, la publication du poème « REVEIL D’ADAM A LA MORT DE JESUS-CHRIST » (La Minerve 12/04/1827 : 4, majuscules dans l’original). Le rédacteur de La Minerve signale explicitement que ce texte est « Traduit de l’italien ». Des critiques littéraires d’ouvrages, principalement d’origine européenne, ont également leur place dans La Minerve. Dans la critique littéraire du texte « ANNE BOLYES, par Miss BENGER, ouvrage traduit de l’anglais. Paris 1825 » (La Minerve 04/06/1827 : 1, majuscules dans l’original), il est mentionné dans le titre qu’il s’agit d’une traduction. Nous reprendrons cette critique littéraire dans la section suivante (2.3 Discours sur la traduction aux débuts de La Minerve).

En outre, les annonces publicitaires peuplent les pages de La Minerve, très probablement en raison des revenus qu’elles apportent au journal. On y retrouve des annonces très variées, allant de la vente de marchandises étrangères (vin français, whisky écossais, draps d’Angleterre, entre autres), jusqu’à des maisons à louer et des meubles à vendre. Parfois, ces annonces sont publiées en anglais et en français, probablement dans le but d’atteindre un plus grand nombre de clients potentiels. Une annonce publicitaire publiée en français et ensuite en anglais informe sur la location d’une maison à Trois-Rivières (La Minerve 31/01/1828 : 4). Une autre annonce bilingue, intitulée « ETABLISSEMENT D’UNE LIGNE DE STAGE DURANT L’HIVER » (La Minerve 14/01/1828 : 4, majuscules dans l’original) (figure 7), informe de l’ouverture d’un service de transport entre Québec et Montréal trois fois par semaine. Par la suite, l’annonce est publiée à plusieurs reprises, mais seulement en français.

Figure 7

La Minerve (14/01/1828 : 4)

La Minerve (14/01/1828 : 4)

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2.3 Discours sur la traduction aux débuts de La Minerve

Étudier le « discours méta-traductionnel » (Simon 1989 : 22) dans La Minerve permet d’obtenir des indices sur ce que les rédacteurs disent à propos de la traduction et de connaître davantage les idées qui circulent dans le contexte du Bas-Canada en ce qui concerne la traduction.

Il faut d’abord souligner que la traduction dans la presse ancienne constitue à la fois un corpus extrêmement riche et complexe. Tel que nous l’avions mentionné auparavant, s’il est vrai que les traducteurs font souvent des traductions littérales, d’autres formes de traduction peuvent également apparaître. Le texte suivant, provenant du Quebec Mercury (s/d), est un bon exemple de résumé d’un texte source en langue étrangère. Par « manque d’espace », le rédacteur de La Minerve se dit « forcé à remettre à Lundi » la publication d’un texte source (La Minerve 07/02/1828 : 3). À la place, il publie un résumé du texte, constitué de plusieurs lettres officielles. Pour ce faire, il se sert du discours indirect : « Le Quebec Mercury publie […] » ; « Ce journal publie aussi […] » (La Minerve 07/02/1828 : 3). Ce genre d’interventions de la part du rédacteur de la presse ancienne (résumé, commentaires sur un texte source et discours indirect ou rapporté) est très fréquent. Les rédacteurs de La Minerve sont d’ailleurs pleinement conscients des différentes facettes de la traduction. Lorsqu’ils traduisent des textes et des nouvelles, ils emploient le métalangage suivant : « traduction », « traduction littérale », « traduction exacte », « traduction libre », entre autres.

Le texte suivant illustre bien la réflexion concernant la traduction, ainsi que le métalangage traductionnel employé par les rédacteurs. Il s’agit de la critique d’une poésie sacrée, publiée dans La Minerve (05/06/1828 : 1) et intitulée « Le Livre de Job, traduit en vers français, avec le texte de la Vulgate en regard, suivi de notes explicatives, etc., par B.M.F. Levavasseur ; dédié et présenté au Roi ». Ce texte mentionne que la littérature vient d’être enrichie par la traduction de M. Levavasseur (La Minerve 05/06/1828 : 1). Même si cette critique n’est pas signée, le commentaire suivant nous pousse à croire que l’auteur pourrait bel et bien être le rédacteur de La Minerve :

Beaucoup de journaux ont appuyé leurs éloges sur des citations nombreuses de la traduction de M. Levavasseur ; c’est la manière la plus délicate de louer. Il nous eût été facile de l’employer, et nous aurions trouvé dans les vers qu’il n’on put citer, des exemples d’une poésie noble harmonieuse, pleine de gout, de force et clarté ; mais les bornes que nous sont imposées rendent le choix difficile, et les morceaux dignes d’éloges sont tellement nombreux que nous devons nous borner à recommander la lecture du Livre de Job à tous les hommes qui ont l’amour du vrai et du beau, de la religion et les lettres.

La Minerve 05/06/1828 : 1

On observe, dans ce passage, que des éloges pour la traduction de Levavasseur, fortement recommandée par l’auteur du texte.

Dans la même veine, la critique littéraire, intitulée « ANNE BOLYES, par Miss BENGER, ouvrage traduit de l’anglais. Paris 1825 » et publiée dans La Minerve (04/06/1827 : 1), en est un autre exemple. Le texte décrit la traduction française d’Anne Bolyes comme étant une « traduction exacte », quoique « quelques morceaux [aient] été transposés ; et d’autres, […] élagués » (La Minerve 04/06/1827 : 1). Dans la critique, les changements apportés par la traductrice sont justifiés. En effet, c’est pour éviter le « quelque peu [de] désordre et quelquefois [de] prolixité » du texte source que la traductrice agit ainsi (La Minerve 04/06/1827 : 1). On y ajoute que « l’exactitude est une sorte de devoir envers l’auteur original et envers le public » (La Minerve 04/06/1827 : 1). Quoique ce texte avait déjà été publié dans la Revue Encyclopédique (Février 1827 : 37, tome xxxiii), La Minerve n’en fait pas mention. Ainsi, publier ce texte sans mentionner la source est en quelque sorte une forme d’appropriation (Navarro 2014) et pourrait dénoter un certain « accord » du rédacteur de La Minerve avec les idées proposées dans le texte en question.

Fait intéressant, le rédacteur de La Minerve indique clairement dans son journal lorsqu’une traduction n’est pas « exacte ». Tel est le cas de la « Traduction libre de l’Inscription faite par le Dante, en Italien pour la porte de l’Enfer » (La Minerve 20/11/1828 : 1, italiques dans l’original). Aucun indice dans le texte ne nous permet d’inférer si la traduction a été faite par le rédacteur de La Minerve ou par quelqu’un d’autre.

En outre, l’étude de la traduction dans La Minerve permet également d’observer la traduction comme une « réalité sociale » (Simon 1989 : 9) qui participe à des dimensions diverses, en passant par le politique, le social et le culturel. À titre d’exemple, La Minerve parle avec enthousiasme des « examens publics et exercices littéraires des étudiants du Collège de St. Hyacinthe » (La Minerve 18/08/1828 : 3). Des membres les plus respectables du clergé et des personnes de distinction de St. Hyacinthe, de la Rivière Chambly et d’ailleurs ont y assisté, d’après le rédacteur de La Minerve, qui les salue dans les termes suivants : « Honneur à ces amis des lettres qui encouragent ainsi l’enseignement, et inspirent une noble émulation à une portion intéressante de la Société ! » (La Minerve 18/08/1828 : 3). Les étudiants de St. Hyacinthe ont passé différents examens dans divers sujets, parmi lesquels l’histoire, la géographie et la rhétorique. L’un des examens concernait la traduction, et voici les commentaires du rédacteur à ce sujet :

Les élèves en général ont traduit avec facilité et précision leurs auteurs, et ont répondu aux difficultés proposées, de manière à mériter l’approbation de l’assemblée, et à faire honneur aux dignes instituteurs, chargés de l’enseignement.

La Minerve 18/08/1828 : 3, nous soulignons

Bref, tant le nombre de traductions publiées dans le journal que le discours méta-traductionnel repéré dans La Minerve permettent de constater l’importance de la traduction à l’époque du Bas-Canada dans différents domaines, tels que la presse et l’éducation. D’une part, la traduction fait partie des cours dispensés dans les établissements d’enseignement. D’autre part, les rédacteurs de la presse recommandent et commentent des textes traduits, en plus de traduire énormément de nouvelles et d’autres documents afin de les publier dans leurs journaux. Cette lecture de la presse ancienne dans une perspective traductologique laisse entrevoir que la traduction participe activement à la vie de société au Bas-Canada, y compris à la dimension politique. Les exemples suivants concernent les élections à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, en 1827.

3. Les élections à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada : le « nous » et l’« Autre »

Dans le prospectus, La Minerve se présente comme « un papier Canadien » « fait pour les Canadiens ». L’éditeur, qui affirme que son périodique suivra « avec attention la politique du pays », ajoute vouloir « soutenir les intérêts des Canadiens » et exprime son désir de leur apprendre « à résister à toute usurpation de leurs droits » (La Minerve 09/11/1826 : 1 ; nous soulignons). Mais qui sont les Canadiens selon La Minerve ? Plus loin dans ce même numéro, l’éditeur commente que le Canada est :

[…] un pays habité par deux peuples d’origine différente […] ; l’un plus nombreux, plus pauvre, mais habitant la terre de ses pères[les Canadiens francophones] ; l’autre plus riche, plus commerçant, et qui descend du peuple conquérant [les Anglais] ; il est tout naturel, disons nous, qu’il y ait entre ces deux peuples, sinon une certaine antipathie, du moins une lutte continuelle où ils cherchent mutuellement à l’emporter l’un sur l’autre. […] Prétendre que c’est un crime pour les Canadiens [francophones] de figurer dans une telle lutte, c’est trahir le droit naturel de défense […].

La Minerve 09/11/1826 : 3, nous soulignons

Le rédacteur prend donc ses distances par rapport à la mère patrie et aux anglophones (l’Autre selon St-Pierre 1993). En même temps, il revendique le « droit naturel de défense » des Canadiens francophones, un peuple qui habite « la terre de ses pères ». Ce texte est très révélateur de la lutte menée par les Canadiens francophones à l’époque et met en lumière le but politique et identitaire du périodique : la défense des droits et des intérêts du peuple Canadien francophone.

Les traductions que nous allons commenter font état de la crise politique du début du xixe siècle, dans le contexte d’élections à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada. La traduction y joue un rôle important dans la mesure où elle est employée comme instrument de défense et de résistance (Simon 1994).

Nous sommes en 1827. Le gouverneur Dalhousie décide soudainement de clore la session de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada du 7 mars. Selon Lord Dalhousie, sa décision est provoquée par l’opposition de l’Assemblée (majoritairement francophone) aux subsides pour le service public qu’il propose (La Minerve 14/05/1827 : 3). Les députés francophones de la Chambre exigent des autorités gouvernementales une réforme leur permettant d’exercer un véritable contrôle sur les dépenses publiques, tandis que Lord Dalhousie les accuse de manquer de modération et de ne pas servir l’intérêt public (Gallichan 2012). La tension entre l’Administration coloniale et l’Assemblée est très palpable.

En juillet 1827, en pleine crise politique, Lord Dalhousie déclenche des élections générales anticipées pour faire élire les députés siégeant à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada (Gallichan 2012). Ces élections, qui ont lieu tous les quatre ans, ne doivent avoir lieu qu’en 1828. Les nouvelles de La Minerve publiées depuis le mois de juillet 1827 suivent de près ces évènements.

Les élections dans le comté de York, à l’ouest de Montréal, font spécialement la une. Dans ce comté, quatre candidats se présentent : les deux représentants du gouvernement, le colonel John Simpson et l’officier Eustache-Nicolas Lambert Dumont, et les deux représentants du peuple, Jean-Baptiste Lefebvre et M. Jacques Labrie. D’après les journaux du gouvernement (Gazette de Québec et Gazette de Montréal), leurs candidats ont dû se retirer de l’élection, forcés par la violence des opposants (les patriotes, bien évidemment) (La Minerve 13/08/1827 : 3).

L’une des traductions publiées sur ce sujet provient de la Gazette de Québec (dernier numéro [09/08/1827 : 4]). Même si la date n’est pas mentionnée, nous avons été en mesure de localiser le texte source en fouillant quelques numéros de la Gazette de Québec dont la date de publication était antérieure, mais proche de celle du numéro de La Minerve en question. Sous le titre GENERAL ELECTION, en majuscules et omis dans la traduction, le texte source fait référence à plusieurs nouvelles sur les élections. La traduction est partielle, c’est-à-dire que La Minerve ne traduit que la nouvelle sur M. Dumont, l’un des candidats du gouvernement. Le texte source, d’une vingtaine de lignes, est donc réduit à trois lignes seulement et apparaît entre guillemets. La traduction est accompagnée d’autres interventions de la part du traducteur (figure 8).

Figure 8

La Minerve (13/08/1827 : 3)

La Minerve (13/08/1827 : 3)

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D’abord, une note initiale fournit des renseignements concernant le texte source et la nouvelle : il signale que la « gazette publiée à Québec », dont l’éditeur est M. John Charlton Fisher, est publiée sous l’autorité du gouverneur Dalhousie. Malgré l’absence de titre, le commentaire initial de l’éditeur de La Minerve permet de mettre en contexte le lecteur. Après avoir traduit la courte nouvelle sur le retrait de M. Dumont, motivé par « les animosités personnelles et la violence du partie contraire », selon ce que dit le texte source (La Minerve 13/08/1827 : 3), le rédacteur de La Minerve publie un long paragraphe où il dénonce les propos mensongers et imprudents de la Gazette de Québec. La Minerve accuse les éditeurs tant de la Gazette de Québec que de la Gazette de Montréal d’être « des écrivains salariés de l’Administration du Comte Dalhousie » (La Minerve 13/08/1827 : 3). Il affirme que les deux candidats du peuple n’ont fait qu’« assister à une assemblée publique, où il s’agissoit de défendre leurs droits » (La Minerve 13/08/1827 : 3) et que les animosités et les violences provenaient plutôt de la part des représentants du gouvernement et de leurs partisans.

Trois jours plus tard (16/08/1827 : 1), le rédacteur de La Minerve publie une autre traduction sur l’élection dans York. Le texte, qui est une adresse de M. J. Simpson (candidat de la part du gouvernement) à ses électeurs, ne fait pas mention de la source précise. Dans son discours, M. Simpson s’adresse à ses électeurs en disant qu’ils ont été trompés par des gens « mal intentionnés » et « désespérés » [les patriotes], qui les ont portés à croire que « le gouvernement de sa Majesté [les] opprime, qu’il désire [les] accabler de taxes et [leur] ôter [leur] religion » (La Minerve 16/08/1827 : 1). Entre autres, il accuse cette « faction » de fermenter la rébellion et d’encourager la violence, et explique que celle-ci est la raison de son retrait de l’élection. Il faut souligner que le terme faction est fréquemment employé par le gouverneur Lord Dalhousie et les périodiques sous son contrôle pour discréditer les Canadiens francophones (Gallichan 2012).

À la suite de cette adresse, le rédacteur de La Minerve publie un long texte de sa plume où il commente d’abord avoir traduit l’adresse de M. Simpson « pour la soumettre à la considération des électeurs de ce Comté qui n’entendent point l’Anglois » (La Minerve 16/08/1827 : 1). Il ajoute que sa traduction a été publiée dans la Gazette de Montréal « avec des éloges de l’éditeur de cette Gazette » (La Minerve 16/08/1827 : 1). S’ensuivent de longues critiques à l’adresse de M. Simpson, adresse que le rédacteur de La Minerve qualifie d’infâme, perverse et fausse. Après avoir décrit la conduite des candidats patriotes comme modérée et patiente, il affirme que « Tous les Canadiens sont paisibles, modérés et [qu’]ils ne commettront jamais aucun acte de violence sans aucune provocation ; ce sont donc les partisans de M. Simpson qui vouloient faire rependre le sang ! » (La Minerve 16/08/1827 : 1).

Le rédacteur de La Minervedélégitime (Chilton et Schäffner 1997/2011) ainsi les propos de M. Simpson et se porte à la défense des représentants des patriotes. Une fois de plus, la traduction devient un instrument pour défendre le peuple canadien francophone, décrit comme un peuple paisible et modéré. Pour terminer son texte, le rédacteur dit ceci : « Nous espérons que les électeurs du Comté d’York répondront à ces accusations plus particulièrement » (La Minerve 16/08/1827 : 1). Alors, loin de traduire le texte de Simpson pour simplement le soumettre à la considération des électeurs qui ne comprennent pas l’anglais, tel que mentionné au début de son texte, le rédacteur de La Minerve invite les lecteurs à répondre aux accusations de M. Simpson. Bref, c’est un appel à l’action.

Une autre traduction tirée du périodique Colonial Advocate (s/d) permet au rédacteur de La Minerve de légitimer (Chilton et Schäffner 1997/2011) son point de vue concernant M. Dumont et M. Simpson et leur retrait des élections du comté de York. Concernant M. Simpson, le rédacteur du Colonial Advocate commente : « […] tenant une place sous le gouvernement il étoit très probablement plus porté à soutenir les mesures de l’Exécutif, qu’il n’étoit favorable à ses constituans » (La Minerve 27/08/1827 : 4). Le Colonial Advocate a bien raison car Simpson venait d’être nommé contrôleur des marchandises, receveur des douanes et inspecteur des écluses à Coteau-du-Lac par le gouverneur Dalhousie[9]. Dans une note initiale, le rédacteur de La Minerve commente que les remarques du Colonial Advocate « sont très judicieuses et méritent l’attention de nos lecteurs » (La Minerve 27/08/1827 : 4). Publié en anglais dans le Haut-Canada, le ColonialAdvocate prône une réforme des politiques coloniales. Bref, pour informer ses lecteurs de l’élection dans le comté de York, La Minerve cite des sources qui partagent son point de vue comme une forme de légitimation.

En outre, dans ce même contexte d’élections générales, La Minerve (23/08/1827 : 2) annonce les résultats dans le Quartier Ouest de Montréal. À cet endroit, ce sont les patriotes Louis-Joseph Papineau et Robert Nelson qui l’ont remporté sur les représentants du gouvernement, M. Peter McGill et M. John Delisle. La nouvelle sur l’élection de Papineau est annoncée par La Minerve comme un jour historique pour les Canadiens francophones :

Ce jour là rappellera toujours de tendres souvenirs aux amis du Pays [le Bas-Canada] et de la Constitution.- Nos ennemies [l’Administration coloniale] qui n’ont cessé de nous calomnier et de nous injurier, parce que nous avons toujours été fidèles à nos devoirs, ont été détruits de la manière la plus honteuse pour eux.

La Minerve 23/08/1827 : 2

Le rédacteur de La Minerve décrit ensuite la procession sans précédent qui a eu lieu dans la ville de Montréal après cette victoire. Le rôle très significatif de la presse dans les élections est alors souligné. Ladite procession, dit La Minerve, s’est arrêtée devant la maison de M. Jocelyn Waller, éditeur du Canadian Spectator, puis la foule a crié : « Vive WALLER, le défenseur des droits des Canadiens, vive le Canadian Spectator » (La Minerve 23/08/1827 : 2, majuscules et italiques dans l’original). Ce périodique canadien anglais, défenseur des idées patriotes, est fréquemment employé comme source de traduction par La Minerve. Ainsi, traduction et presse s’associent en faveur d’un but politique : la défense des valeurs et des droits d’un peuple.

Les élections terminées, le rédacteur de La Minerve s’adresse à ses lecteurs dans les termes suivants :

Les élections sont enfin terminées dans tous les comtés de la Province à la grande satisfaction du pays mais non à celle de l’administration actuelle qui voit depuis quelque temps sa défaite honteuse. […] Réjouissez vous maintenant braves et loyaux Canadiens, cultivez avec allégresse le champ de vos pères […].

La Minerve 30/08/1827 : 2

Il termine son adresse avec la locution latine : « Vox populi vox Dei [la voix du peuple est la voix de Dieu] » (La Minerve 30/08/1827 : 3), en italiques et entre guillemets, en soulignant également le rôle important du peuple dans les élections.

4. La presse étrangère dans La Minerve : source d’information et outil de défense

Le rédacteur de La Minerve se sert des périodiques étrangers pour mettre son lecteur au courant du panorama politique étranger, surtout en ce qui concerne l’Europe. En mai 1828, une nouvelle traduite du périodique britannique Bell’s Weekly Messenger (16/04/1828) informe sur la bataille de Navarin, sujet débattu au Parlement britannique, et sur le commencement de la guerre entre la Turquie et la Russie (La Minerve 01/05/1828 : 4). Quelques jours plus tard, le rédacteur commente que « [l]es journaux fournis par les derniers arrivages n’annoncent rien de décisif quant à la Guerre ou la Paix en Europe » (La Minerve 12/05/1828 : 3).

Quoique les nouvelles sur le panorama politique à l’étranger aient une place dans la presse publiée au Bas-Canada, au début du xixe siècle, les nouvelles venues d’ailleurs passent au second plan pour céder la place à ce qui se passe et se dit « ici » (Felteau 1983 : 19). L’affirmation du rédacteur de La Minerve en fait preuve :

L’ABONDANCE des sujets qui intéressent directement le Pays [le Bas-Canada] nous fait remettre les extraits des journaux étrangers arrivés par la dernière poste. Nous croyons que les nouvelles lointaines doivent être regardées comme peu intéressantes à côté des grands intérêts dont s’occupe maintenant la Législature Provinciale. Cependant pour satisfaire tous les goûts nous tâcherons de donner Jeudi un sommaire des dernières nouvelles d’Europe.

La Minerve 08/12/1828 : 2, nous soulignons, majuscules dans l’original

Les affaires concernant le Bas-Canada occupent donc une grande partie des pages de La Minerve. Provenant surtout des périodiques locaux publiés en anglais (notamment Canadian Spectator, Montreal Gazette, Montreal Herald, Quebec Gazette et Quebec Mercury), ces nouvelles doivent passer par la traduction, comme constaté dans les exemples déjà commentés. Cependant, il faut souligner que le rédacteur de La Minerve fait également appel à la presse étrangère pour légitimer sa cause, à savoir la défense des droits des Canadiens francophones.

Le texte traduit du Scotsman d’Edinbourg [The Scotsman] (s/d) fait référence à la situation politique du Bas-Canada dans les termes suivants :

La Chambre d’Assemblée du Bas Canada a été dissoute l’année dernière à cause de son opposition aux vues du Gouvernement, mais il parait que celle qui a été choisie de nouveau sera bien probablement d’un caractère encore plus intraitable. Ceux qui supportent le gouvernement, qui étaient en nombre de neuf dans l’assemblée précédente, sont réduits maintenant, à ce qu’il est dit, à quatre. Nous croyons que le fait est que jusqu’à il y a quelques années, le Canada, comme l’Écosse, savait à peine qu’il y avait des droits civils, et n’osait les faire valoir. Le peuple possédant peu de richesse, et étant clair semé sur une grande étendue pensait qu’il était dangereux de s’opposer à un gouvernement qui représentait la Majesté de la Grande Bretagne, et laisser les gens en place faire tout ce qu’ils voulaient. […] Les Canadiens ont commencé à faire valoir les franchises qu’ils ont toujours possédées, mais dont auparavant ils ne faisaient aucun usage. Ils sont après faire l’essai de leurs pouvoirs ; et ayant sous les yeux l’exemple des États-Unis, ils ne se laisseront pas mener aisément à d’autres conditions que celle de leur accorder toutes leurs demandes.

La Minerve 17/01/1828 : 1-2

Après avoir fait référence à la prorogation de la session de l’Assemblée (mars 1827) et aux élections qui ont eu lieu quelques mois après (juillet 1827), le rédacteur du Scotsman souligne que les Canadiens ont fait « l’essaie de leurs pouvoirs » en remportant plus de sièges dans la Chambre d’assemblée du Bas-Canada. Il ajoute que les Canadiens, qui commencent à faire valoir leurs droits, n’accepteront pas toutes les impositions des autorités gouvernementales. De toute évidence, la perspective du Scotsman correspond très bien à celle de La Minerve.

Lorsque des articles provenant de la presse anglaise critiquent la gestion de Lord Dalhousie dans les colonies canadiennes, le rédacteur de La Minerve n’hésite pas à les publier dans son journal. Le texte traduit du Times de Londres (s/d) exprime ce qui suit :

Nous ne savons jusqu’à quel point les Canadiens peuvent, avec justice, se plaindre de ce que la conduite personnelle de Lord Dalhousie n’a pas été la plus propre à lui procurer de la popularité, ou à engager les canadiens à supporter avec zèle et de bonne volonté le gouvernement de sa Majesté, et les intérêts généraux de l’empire.

La Minerve 06/03/1828 : 1

Le rédacteur de La Minerve traduit un autre article du London Morning Chronicle (05/01/1828), qu’il décrit comme « une réflection bien triste pour les naturels du pays [le Bas-Canada] » (La Minerve 13/03/1828 : 1). L’article est accompagné d’un long commentaire du rédacteur de La Minerve. En ce qui concerne la nomination des autorités dans les colonies britanniques, il affirme qu’« [o]n nomme à des offices lucratifs dans les colonies des personnes accoutumées à vivre dans la profusion en Angleterre ; la plupart y vont par nécessité ; peu s’y établissent, et ne peuvent par conséquent prendre qu’un bien petit intérêt aux affaires du pays » (La Minerve 13/03/1828 : 1). S’ensuivent des critiques concernant les dépenses des autorités gouvernementales, qui se sentent « grièvement offensé[e]s de la présomption qu’ont les représentants du peuple de redire sur leurs salaires, ou sur d’autres dépenses dont il n’est pas rendu compte d’une manière satisfaisante, et de vouloir sauver la province d’une dette publique » (La Minerve 13/03/1828 : 1). Il ajoute que « [l]es revenus ne peuvent rencontrer que des dépenses civiles modérées, et ne peuvent satisfaire à leurs demandes exhorbitantes » (La Minerve 13/03/1828 : 1). À la suite de la réflexion du rédacteur de La Minerve, on retrouve le texte traduit du Morning Chronicle entre guillemets, où l’on affirme entre autres que « [l]e gouverneur actuel, lord Dalhousie, ne paraît pas être la personne propre à apaiser les difficultés existantes, et à ramener la paix et la concorde » (La Minerve 13/03/1828 : 1).

Sous le titre « DESAFFECTION GENERALE EN CANADA » en majuscules, le texte traduit du Liverpool Mercury (01/02/1828) critique vivement l’administration de Lord Dalhousie. La traduction est accompagnée d’une note initiale dans laquelle le rédacteur de La Minerve parle, entre autres, des résolutions adoptées par l’Assemblée du Bas-Canada afin de « pétitionner le Parlement impérial pour obtenir le redressement des griefs et abus qui règnent dans cette province » (La Minerve 07/04/1828 : 2). Le rédacteur du Liverpool Mercury, pour sa part, décrit la prorogation du Parlement comme étant « illégale » et l’emploi de l’argent public comme « honteux et prodigue » (La Minerve 07/04/1828 : 2). Il s’attend à que ces résolutions soient reçues avec toute l’attention qu’elles méritent.

À la suite de la traduction du Liverpool Mercury, le rédacteur de La Minerve souligne l’importance du texte source et se réjouit de l’accueil chaleureux que des Anglais « éclairés » font auxdites résolutions :

Nous avons traduit du LIVERPOOL MERCURY quelques articles sur nos affaires qui méritent de fixer l’attention du public de ce pays ; ils font voir qu’il y a des personnes éclairées en Angleterre, capables de juger de la justice de nos réclamations ; leur libéralité doit nous inspirer beaucoup de confiance sur le succès de nos démarches.

La Minerve 07/04/1828 : 4

Bref, les traductions commentées se montrent très critiques à l’égard de Lord Dalhousie et sa gestion de la colonie, en même temps qu’elles justifient les démarches des députés de l’Assemblée du Bas-Canada. Plus qu’une source d’information, la presse étrangère devient un outil de défense permettant au rédacteur de La Minerve de légitimer les propos soutenus par son journal en relation avec la cause des Canadiens francophones.

5. Conclusion

La presse canadienne publiée à la fin du xviiie siècle et au début du xixe siècle offre des témoignages fort significatifs sur la société de l’époque. Elle permet d’étudier tant les évènements importants liés à l’actualité politique du Canada que les faits mineurs de la société, tels que les naissances, mariages et décès. Des faits curieux, des nouvelles médicales, des traductions littéraires courtes et des annonces publicitaires trouvent également leur place dans La Minerve. Ces textes, parfois tirés de sources publiées en langue étrangère ou à l’étranger, doivent passer par la traduction pour être publiés dans La Minerve. L’étude de la traduction dans La Minerve permet donc d’observer la traduction en tant que « réalité sociale » (Simon 1989) participant à des dimensions diverses, y compris le politique, le social et le culturel. Tant par le nombre élevé de traductions que par le discours méta-traductionnel, il est possible de constater que la traduction dans La Minerve participe activement à la vie de société au Bas-Canada, notamment dans le panorama politique. Que ce soit pour informer les lecteurs concernant la situation politique au Canada ou à l’étranger, ou bien pour faire connaître les dernières publications littéraires étrangères, la traduction est l’une des tâches chronophages du rédacteur de La Minerve.

Le but politique et identitaire de La Minerve est manifeste depuis ses débuts. Dans son premier numéro, le rédacteur affirme que le journal se veut un moyen de contribuer à l’instruction de la jeunesse et à la propagation de la connaissance (La Minerve 09/11/1826 : 1). D’ailleurs, La Minerve n’est pas simplement le témoin d’une époque charnière dans le panorama politique du Bas-Canada, à savoir le xixe siècle. Ce journal revendique ouvertement la défense des droits et des intérêts du peuple canadien francophone (La Minerve 09/11/1826 : 3), ainsi que la résistance à l’usurpation de leurs droits (La Minerve 09/11/1826 : 1). Étant le porte-parole des patriotes, La Minerve se porte à la défense des droits des Canadiens francophones et reproduit des traductions appuyant cette même idéologie. La traduction est, sans doute, un outil très puissant dans la mesure où elle est employée comme un instrument de défense et de résistance pour les Canadiens francophones (Simon 1994).

Les traductions commentées dans cet article concernant la crise politique du début du xixe siècle dans le contexte d’élections à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada permettent de constater jusqu’à quel point la traduction dans La Minerve s’insère dans le projet politico-culturel soutenu par l’équipe de rédaction. En conséquence, la traduction (la sélection des sources, la traduction des nouvelles, les stratégies employées par le traducteur, etc.) est orientée par le projet dont elle fait partie (Simon 1989). Elle est façonnée et motivée par un but explicite et sert un agenda préalablement établi, c’est-à-dire, dans ce cas, de « traduction activiste » (Simon 2014).

Le choix des sources dans La Minerve est une question qui mérite notre attention. Les journaux locaux sont cités et traduits soit pour légitimer les propos du rédacteur de La Minerve, soit pour critiquer les autorités gouvernementales et délégitimer les adversaires. La presse étrangère, pour sa part, en plus d’informer le lecteur sur le panorama international, est instrumentalisée par le rédacteur de La Minerve et devient un outil de défense des Canadiens francophones. Les traductions publiées dans La Minerve provenant de périodiques étrangers critiquent la gestion de Lord Dalhousie et justifient les démarches des députés de l’Assemblée du Bas-Canada, légitimant ainsi le projet politique soutenu par La Minerve.

Bref, cette étude permet de constater que la traduction dans La Minerve devient un moyen de défense des valeurs et des droits du peuple canadien francophone, entouré d’anglophones.