Corps de l’article

1. Introduction

Dans le territoire aujourd’hui désigné comme le Québec, la seconde moitié du xixe siècle est caractérisée par le développement de la vie littéraire. À la suite du dépôt du rapport de Lord Durham, la production littéraire devient pour plusieurs intellectuels canadiens-français synonyme de survie, ce qui conduit à la production d’une soixantaine d’oeuvres romanesques. Dans le cadre de notre thèse, nous nous sommes penchés sur quatre de ces romans qui ont fait l’objet de traductions vers l’anglais au fil de l’histoire : L’Influence d’un livre, Les Anciens Canadiens, Angéline de Montbrun et À l’oeuvre et à l’épreuve. La période étudiée va donc de la parution du premier roman québécois en 1837 à la publication de la deuxième retraduction des Anciens Canadiens en 1996. Conséquemment, un des éléments clés de notre recherche, ce sont les contextes sociohistoriques entourant la production et la réception des versions anglaises des premiers romans canadiens-français dans l’Amérique du Nord anglophone.

2. Diffusion et réception : considérations théoriques

2.1. Distribution

Les premiers agents à intervenir dans le cycle de la production littéraire sont habituellement les écrivains. Par contre, ces derniers doivent dans la plupart des cas soumettre leur travail à un éditeur qui peut accepter ou refuser le manuscrit. En contrepartie, l’éditeur prend en charge la fabrication du livre, allant de l’impression à la distribution. Par la suite, le livre peut être vendu ou non. Ainsi, la valeur esthétique et économique du livre n’existe que dans le contexte de sa diffusion dans les bibliothèques, les librairies ou les écoles (Robert 1989 : 40-42). Le travail de l’écrivain peut également être soumis à un journal ou à une revue littéraire. Le roman y est donc publié sous forme de feuilleton et la publication en volume vient plus tard. Les notions de « distribution » et de « diffusion » sont toutefois assez proches, car il faut envisager une diffusion potentielle afin de prendre les décisions quant au tirage et à la distribution. La distribution, au xixe siècle, est donc effectuée par l’éditeur ou le libraire dans le but de vendre le livre. Nous parlons ici du tirage, des données sur les ventes, des librairies et bibliothèques où l’on pouvait se procurer le livre ainsi que des endroits géographiques où il était disponible.

Se pencher sur la distribution des traductions par le biais du tirage – tant l’impression initiale et que les réimpressions – informe sur le statut de l’oeuvre, sur sa popularité. De plus, le fait de s’intéresser aux endroits géographiques où les traductions étaient disponibles nous permet de réfléchir sur le parcours de l’oeuvre traduite, les endroits où elle a eu des échos, la nature de l’« autre » (canadien-anglais, américain, britannique) qu’elle a rejoint.

2.2. Diffusion de l’objet littéraire

L’objectif de la diffusion d’une oeuvre est d’atteindre un public de lecteurs, au moyen, notamment, de la presse et de la critique littéraire et des écoles. Ainsi, une oeuvre littéraire est d’abord distribuée par l’éditeur-imprimeur dans les bibliothèques et librairies, puis elle atteint un public, moment où commence sa diffusion.

Selon Jacques Michon, c’est par l’étude de la distribution et de la diffusion d’une oeuvre qu’il est possible d’aborder la question du lecteur et de la lecture. À son avis, l’étude de la diffusion se fait dans les bibliothèques, les cabinets de lecture et les librairies, en passant, notamment, par l’examen des archives de prêts et des listes de best-sellers[1]. Il est aussi possible d’inclure dans la catégorie « distribution/diffusion » les renseignements sur les tirages, les réimpressions et les rééditions (Michon 1998 : 71).

Lorsque l’on étudie la diffusion de la littérature canadienne-française du xixe siècle, il ne faut surtout pas sous-estimer le rôle joué par l’abbé Henri-Raymond Casgrain[2]. En effet, en 1867, il propose à Gédéon Ouimet, surintendant de l’Instruction publique, de mettre sur pied une collection de livres canadiens-français à distribuer dans les écoles. Casgrain conclut avec Ouimet une entente de 10 ans. L’abbé prend en charge toutes les étapes de la production ; il sélectionne les manuscrits ou feuilletons déjà parus à faire réimprimer, négocie le contrat avec l’imprimeur, assure la révision et empoche les bénéfices. L’entreprise permet l’impression et la distribution de 175 000 volumes dans les milieux scolaires, et fait de l’abbé Casgrain la première personne à vivre de la littérature au Québec (Robert 1989 : 50). De plus, l’abbé Casgrain jouit d’une grande reconnaissance de la part de ses contemporains. Dans L’Écho de Québec, publié en 1877, Napoléon Legendre qualifie Casgrain de « père nourricier de la littérature canadienne »[3]. L’abbé Casgrain a d’ailleurs joué un rôle important dans la diffusion des romans à l’étude. Premièrement, dans sa biographie d’Aubert de Gaspé[4], Casgrain explique que l’auteur lui avait demandé de corriger les épreuves des Anciens Canadiens, tâche qu’il a effectuée durant l’année 1862. Ainsi, puisque Casgrain s’est lui-même chargé de la correction du manuscrit, nous supposons qu’il a également servi d’intermédiaire entre Aubert de Gaspé et l’éditeur-imprimeur. Deuxièmement, en 1864, l’abbé Casgrain prépare une version censurée de L’Influence d’un livre pour publication dans LeFoyer canadien. Troisièmement, l’abbé Casgrain soutient Laure Conan dans son entreprise de faire publier Angéline de Montbrun sous forme de livre.

La diffusion de la littérature canadienne-anglaise passe essentiellement par les journaux et les périodiques littéraires. Les auteurs anglophones peuvent cependant aspirer à une diffusion au-delà de leurs frontières. Ainsi, les auteurs publient et font parfois carrière dans le milieu de l’édition américaine (Davies 2008 : 86-87). D’ailleurs, la rétention des écrivains canadiens-anglais à l’intérieur des frontières est un problème, et ce, à cause de la petitesse du lectorat, des structures déficientes quant au droit d’auteur et du conservatisme social (Davies 2008 : 87). Il est nettement plus facile de faire carrière dans le milieu de l’édition et du journalisme des grands centres urbains comme Boston, New York et Londres.

Ainsi, les notions de distribution et de diffusion sont centrales, car elles permettent de décrire le parcours d’une oeuvre à travers sa plateforme de publication (feuilleton dans un journal, entrée dans un périodique ou livre), son tirage, ses réimpressions, ses rééditions. Malgré tout, la visée pragmatique de la diffusion n’empêche pas de transcender les données empiriques. En se rappelant que la traduction est la diffusion d’une littérature par-delà ses frontières, il est possible de voir où la traduction a eu des échos, dans quelle culture – chez quel « autre » – elle a été accueillie.

2.3. Réception : concept théorique

Les études de réception portent sur l’incidence d’un objet littéraire dans son champ social. Daniel Chartier résume en disant que ce type de réflexion est basé sur le lecteur. L’oeuvre est étudiée du point de vue du récepteur et non de l’auteur, comme c’est le cas pour les théories plus traditionnelles des études littéraires (Chartier 2000 : 24). Par conséquent, les notions « distribution », « diffusion » et « réception » peuvent être placées dans un continuum, car elles décrivent toutes le parcours d’une oeuvre littéraire vers son lecteur ou, autrement dit, vers la société qui l’accueille.

Antoine Berman, dans Pour une critique des traductions, s’est très brièvement penché sur cette notion de réception, appliquée à l’objet traduit. Il écrit :

Cette étape de la critique, sur laquelle je ne m’étendrai pas, peut être autonome ou intégrée à d’autres étapes selon le cas. Elle est fort importante, comme toute étude de la réception d’une oeuvre — mais elle n’est pas toujours possible dans le cas d’une oeuvre traduite. Car il y a plus de réception d’oeuvres étrangères (dans la presse, c’est-à-dire dans les sections littéraires des quotidiens, des hebdomadaires, dans les revues et les magazines littéraires, dans les ouvrages critiques sur les auteurs étrangers, etc.) que de traduction comme telle. Il faut d’abord savoir si la traduction a été aperçue (concrètement, si l’on mentionne qu’il s’agit d’une traduction, faite par X). Si elle a été aperçue, il faut savoir si elle a été évaluée, analysée, c’est-à-dire voir comment elle est apparue à la critique, aux critiques, et, en fonction de cette apparition, a été jugée et présentée au « public ». Dans l’ensemble, les traductions ne font pas couler des flots d’encre […]

Berman 1995 : 95-96

La citation en elle-même est assez longue, mais il s’agit ici de la quasi-totalité de son commentaire sur la réception des traductions. Berman prend soin de distinguer la réception des oeuvres étrangères, à savoir la réception d’une oeuvre en langue originale en dehors de la société dans laquelle elle a été produite, de la réception des traductions. Berman expose également certains paramètres qui permettent de mettre en lumière la réception d’une traduction. Selon lui, il importe d’examiner comment le critique a évalué et analysé la traduction, ainsi que la manière dont ce dernier cherche à présenter la traduction aux lecteurs potentiels. Toutefois, Berman explique qu’un facteur clé rend difficile l’étude de la réception des traductions, à savoir que peu d’articles critiques sont écrits sur les traductions.

Il est également pertinent d’aborder ici le concept de « l’invisibilité du traducteur » de Lawrence Venuti. Cette invisibilité a pour cause le fait qu’une traduction est considérée comme acceptable lorsqu’elle est lisible (fluency) et qu’elle procure au lecteur une illusion de transparence, c’est-à-dire que le texte donne l’impression de rendre le message et la personnalité de l’auteur étranger sans gêner le lecteur avec des spécificités linguistiques et stylistiques. Plus une traduction est lisible, plus le traducteur est invisible (Venuti 2017 : 34). D’ailleurs, selon ce traductologue, l’importance de la lisibilité pour les traductions de langue anglaise devient évidente en examinant les critiques publiées dans les journaux et les revues. Il relève des termes comme fluent, flows, natural-sounding, seamlessly translated et breezes (Venuti 2017 : 37-39). Ainsi, selon Venuti, les traductions américaines et britanniques privilégient la lisibilité et l’idiomaticité, phénomène que nous observons d’ailleurs dans certaines des traductions à l’étude.

Pour faire l’étude de la réception d’une traduction, il faut avoir assez de renseignements pour mettre en lumière la manière dont elle a été perçue par les lecteurs, ainsi que la manière dont elle a été jugée par la critique littéraire. Dans le cadre de notre étude, qui examine la réception des traductions de langue anglaise de romans canadiens-français, nous avons donc répertorié, analysé et comparé les échos que ces textes ont reçus dans les divers médias. Nous savons déjà que ces traductions n’ont pas toutes bénéficié du même accueil. Ainsi, alors qu’au moment de sa publication en 1909, la traduction d’À l’oeuvre et à l’épreuve est passée presque inaperçue, nous avons répertorié plus de 20 articles de journaux annonçant la parution de la retraduction de 1890 des Anciens Canadiens. Nous démontrerons toutefois que certains de ces échos ne font que répondre au premier critère de Berman, à savoir que la traduction a été seulement aperçue et non pas évaluée par la critique littéraire.

Comme l’étude de la réception met à l’avant-plan la figure du lecteur, il est utile de chercher à en savoir plus sur ce dernier. Pour Umberto Eco, le texte n’est qu’un tissu de signes devant être interprétés (Eco 1985 : sec. 3,1, paragr. 1) et ne peut tout simplement pas exister sans lecteur : « un texte postule son destinataire comme condition sine qua non de sa propre capacité communicative, mais aussi de sa propre potentialité significatrice » (Eco 1985 : paragr. 9). Afin d’identifier le lecteur, Eco amène la notion de « lecteur modèle », à savoir un lecteur capable de coopérer à l’interprétation textuelle conçue par l’auteur (Eco 1985 : sec. 3,2, paragr. 7). Ce lecteur modèle est en quelque sorte l’entité à qui l’auteur cherche à s’adresser. Eco poursuit en affirmant que « prévoir son lecteur modèle ne signifie pas uniquement “espérer” qu’il existe, cela signifie agir sur le texte de façon à le construire » (Eco 1985 : sec. 3,2, paragr. 11). Dans cette optique, nous avançons que le traducteur, au moment de la réalisation des traductions des romans canadiens-français, a identifié un lecteur modèle et donc l’horizon d’attente de ce dernier. Avant même de réaliser sa traduction, le traducteur peut donc déterminer si le texte de départ se pliera aux attentes du lecteur ou si au contraire ce texte l’obligera à faire face à de nouvelles idées.

2.4. Réception critique

Dans le chapitre « Comment la réception des oeuvres littéraires pourrait venir à la rescousse de l’histoire de la littérature », Kenneth Landry explique qu’il est pertinent pour les théoriciens de se recentrer sur ce qu’Even-Zohar nomme « la démarche d’analyse systémique du phénomène littéraire » (Landry 1988 : 10). Ainsi, toujours selon Landry, la pierre d’assise de cette démarche est la théorie de l’institution qui comprend « un ensemble de mécanismes d’organisation qui se donne des règles propres de fonctionnement et qui impose ses normes et ses codes dont le pouvoir est de reconnaître et de sanctionner des produits de littérature, comme authentiques et valides » (Landry 1988 : 10). Cette théorie de l’institution met donc à l’avant les instances de reconnaissance et de sanctions (légitimations). L’objectif est par conséquent « d’identifier les divers réseaux de récepteurs et d’étudier le fonctionnement de leurs discours, alors qu’ils sélectionnent, étiquettent et classent les écrits au fur et à mesure de la parution » (Landry 1988 : 10). Il s’agit d’étudier la réception critique des oeuvres littéraires, à savoir le discours qu’a produit une catégorie bien particulière de lecteurs : les critiques, dont le discours permet la légitimation des oeuvres. De plus, comme l’explique Landry, au Québec, la réception critique des oeuvres littéraires passe principalement par la critique journalistique, phénomène qui a été très peu étudié par les théoriciens de la littérature québécoise (Landry 1988 : 11). Afin de mettre en lumière la réception critique, il importe donc de considérer trois composantes de la critique littéraire : 1) le périodique ou l’appareil de diffusion ; 2) le signataire de l’article ou l’agent de légitimation ; 3) l’article en question ou le texte médiateur (Landry 1988 : 13). Nous nous proposons donc d’analyser non seulement le contenu de la critique, à savoir l’article de journal posant un jugement sur l’oeuvre littéraire, mais également la personne qui formule le jugement, l’auteur de l’article et l’endroit où paraît le jugement, à savoir le type de (dans le sens d’orientation idéologique) journal, magazine ou revue spécialisée.

Selon Chartier, « Entre la parution et l’éventuelle inscription dans l’histoire littéraire, se réalise un processus critique déterminant pour la survie ou l’oubli de l’oeuvre » (Chartier 2000 : 17). Un des éléments de ce processus est la critique littéraire, qui permet d’admettre une oeuvre dans le polysystème littéraire et ensuite de lui accorder une certaine reconnaissance.

La critique littéraire est donc écrite par un groupe qui a le pouvoir d’émettre des jugements littéraires sur les oeuvres en s’appuyant sur une série de normes (esthétiques, morales, formelles et politiques), sans oublier le premier pouvoir qui est celui de critiquer ou non une oeuvre, à savoir de la reconnaître ou pas. À notre avis, la notion d’horizon d’attente et de normes est ici apparentée. Le critique étant un lecteur, son horizon d’attente (le bagage littéraire, social et culturel avec lequel il aborde l’oeuvre) oriente la série de normes avec lesquelles il juge cette oeuvre. Le critique agit donc comme intermédiaire entre l’auteur et le public, entre l’éditeur et l’acheteur (Chartier 2000 : 17). Un jugement critique favorable peut entraîner une plus grande diffusion de l’oeuvre auprès du public (lecteurs-acheteurs) et ainsi faire en sorte qu’elle soit plus largement reçue.

D’ailleurs, toujours selon Chartier, la parution de critiques au moment de la publication d’une oeuvre n’est pas un simple processus d’accumulation de discours, mais plutôt une lutte de laquelle émerge une interprétation dominante qui sera consacrée historiquement (Chartier 2000 : 29). Dans ce contexte, les interprétations critiques qui viendront après devront nécessairement se positionner par rapport à la vision dominante qui a été donnée de l’oeuvre. Il se crée ainsi un système de réception composé des éléments publiés dans les journaux et les revues qui alimentent le discours critique sur une oeuvre littéraire (Chartier 2000 : 30). Pour Chartier, l’étude du système de réception à la parution, composé essentiellement de la critique, permet de démontrer que la survie d’une oeuvre dépend de la réussite de ce passage, du bon fonctionnement de ce système (Chartier 2000 : 30). Alors, nous comprenons qu’il est essentiel pour une oeuvre littéraire, originale ou traduite, de réussir sa première réception auprès des critiques littéraires. Autrement dit, une oeuvre doit absolument être remarquée lors de sa publication et profiter d’une réception favorable auprès des critiques et d’une bonne diffusion auprès du public, sinon elle risque de passer inaperçue.

Chartier continue en expliquant que pour les romans, on assiste durant la période suivant leur parution à une concurrence et à une accumulation de critiques, conduisant ensuite à la production d’un discours dominant et unifié à propos de ce roman. Ce processus permet l’inscription du roman dans l’histoire littéraire (Chartier 2000 : 31). Bref, pour qu’un roman (ou sa traduction) passe à l’histoire, il faut qu’il soit remarqué par la critique et que cette dernière en produise une lecture dominante. Dans notre étude de cas, les romans que nous avons sélectionnés sont inscrits sur le continuum de l’histoire littéraire du Québec. Ce que nous cherchons à déterminer, c’est si leurs traductions ont à leur tour profité d’une bonne réception et si ces traductions ont été inscrites dans l’histoire littéraire dans la société d’accueil. Autrement dit, quel est le discours critique — bien sûr, si discours il y a — qui s’est articulé autour de Influence of a Book, Canadians of Old, Angeline de Montbrun et The Master Motive ? Ce discours leur permettra-t-il de s’intégrer à l’histoire littéraire de la société d’accueil ?

Nous en venons à penser qu’il est possible de reconstruire le discours critique et ainsi retrouver la manière dont une traduction a été accueillie. Il faut toutefois tenir compte de la mise en garde de Berman selon laquelle les traductions ne font pas couler beaucoup d’encre. La difficulté est donc de trouver les écrits critiques sur la traduction. Cette difficulté nous indique, à la lumière du travail de Chartier, que le succès de ces traductions est peut-être problématique. Par contre, Chartier apporte une piste de solution lorsqu’il postule que, dans le cas où le système de réception à la parution n’a pas produit un discours unifié autour de l’oeuvre, il revient à l’histoire de reconstituer l’insertion de l’oeuvre dans la production du genre. Certes, Chartier nous met en garde en affirmant que ce processus risque d’être « un scénario d’échec, voire d’oubli » (Chartier 2000 : 31), mais il reste qu’il est possible d’examiner la réception de romans ayant moins rayonné au moment de leur publication, comme c’est le cas de la majorité des traductions de notre corpus. Il faut toutefois le faire dans une perspective historique et dans le but de reconstruire le discours autour de l’oeuvre tout en étant conscient des limites de cette entreprise. Ainsi, si l’histoire a oublié une traduction, les écrits critiques à son sujet seront donc nécessairement moins nombreux et éparpillés dans le temps et l’espace ainsi que dans divers médias. D’un point de vue méthodologique, il faut être conscient de la difficulté de retracer les écrits critiques portant sur des traductions que l’histoire a oubliées, car ces écrits n’ont peut-être pas été systématiquement catalogués et conservés dans des fonds d’archives et encore moins répertoriés dans des bases de données.

Pour conclure, lorsque vient le temps d’étudier la réception des traductions de la littérature canadienne-française, il faut être conscient du fait que la traduction littéraire ne connaît aucun essor au Canada au xixe siècle, et ce, même si nous assistons à une augmentation de la traduction judiciaire, administrative et pragmatique. D’ailleurs, dans son article « Literary Translation in Canada : A Survey », Philip Stratford affirme qu’avant 1920, seulement 12 oeuvres ont été traduites au Canada (10 vers l’anglais et 2 vers le français). À son avis, les francophones et les anglophones se sont donc largement ignorés, laissant souvent aux grands centres littéraires de Paris, Londres et New York le soin de traduire la littérature canadienne (Stratford 1977 : 37). Dans ce contexte, Stratford rappelle qu’historiquement, la traduction au Canada s’est effectuée au Parlement et dans le secteur privé. Il postule donc que la grande quantité de textes à traduire produits par un pays bilingue fait en sorte que la traduction pragmatique a dominé au Canada. Ainsi, les traducteurs sont souvent des fonctionnaires anonymes, quoique compétents et bien rémunérés. Dans un tel contexte, la traduction littéraire était une activité marginale, perçue comme étant quelque peu futile et sans attrait économique (Stratford 1977 : 38). D’ailleurs, il faut attendre les années 1960 avant que l’on puisse parler d’une initiative de traduction littéraire au Canada. Selon Stratford, seulement une soixantaine de livres ont été traduits avant cette période (Stratford 1977 : 37). Un changement d’attitude a lieu dans les années 1970. Premièrement, soulignons que la création du programme d’aide à la traduction par le Conseil des arts du Canada en 1972 a permis une meilleure diffusion de la littérature par l’entremise de la traduction. Notons également la mise sur pied du prix du Gouverneur général pour la traduction en 1974 et la constitution de l’Association des traducteurs et traductrices littéraires du Canada en 1975 (Delisle 2011 : 367-368). Cela dit, des initiatives de traduction littéraire ont eu lieu au xixe siècle et dans la première moitié du xxe siècle. Et, comme l’explique Sherry Simon lorsque la littérature canadienne-française est traduite en anglais, l’objectif est de connaître cette société, car la littérature est un reflet de la situation sociopolitique. Ainsi, la traduction littéraire a la fonction ethnographique de rendre une réalité étrangère moins opaque et d’être la clé d’une société qui autrement est obscure (Simon 1988 : 31).

3. Étude de cas : la réception des traductions anglaises des romans canadiens-français publiés au xixe siècle

3.1. L’Influence d’un livre

Passons donc aux romans et à leurs traductions. Nous les avons choisis, car ils ont marqué la production littéraire canadienne-française. La première oeuvre de notre corpus, L’Influence d’un livre (1837), par Philippe Aubert de Gaspé, fils, est habituellement considérée comme le premier roman issu du Canada français. De Gaspé a recours aux souscriptions pour le faire publier chez l’imprimeur William Cowan et Fils, basé à Montréal. En 1864, l’abbé Casgrain prépare une version censurée pour le Foyer canadien sous le titre Le chercheur de trésor. C’est d’ailleurs sous ce titre que le roman est mieux connu.

Une traduction effectuée par Claire Holden Ruthman, The Influence of a Book voit le jour plus de 150 ans après la parution de l’original, à savoir en 1993. L’éditeur Robert Davies s’était donné comme mission de faire connaître les textes québécois oubliés de la période allant de la fin du xviiie siècle au début du xixe siècle[5]. L’instigateur du projet est Robert Davies, en effet, l’éditeur était indigné par le fait que le roman n’avait jamais été traduit. De plus, Robert Davies Publishing a reçu le soutien du Conseil des arts du Canada pour la réalisation de la traduction et la publication de l’ouvrage : « The publisher gratefully acknowledges the support of the Canada Council for the translation and publication of this book ». Bien que les informations relatives à la subvention ne sont plus disponibles[6], comme le Conseil des arts subventionne les traductions d’oeuvres littéraires canadiennes dans l’autre langue officielle, il est possible de conclure que le but de la traduction était de faire découvrir au Canada anglais le premier roman issu de la littérature canadienne-française.

Nous n’avons retrouvé qu’une seule annonce de la parution de la traduction de L’Influence d’un livre, dans le « Literary Calendar » de la Gazette du 30 octobre 1993. Ce calendrier, qui annonce les activités du mois de novembre qui vient, nous apprend qu’il se tiendra un grand lancement de livres le samedi 27 novembre à l’atrium de la Gazette. Un des ouvrages à l’honneur est The Influence of a Book, publié par Robert Davies Publishing[7].

Nous avons également retracé deux critiques de la traduction The Influence of a Book. La première critique du roman est publiée par la chroniqueuse Wendy Thatcher dans l’édition du 2 avril 1994 du MontrealGazette. L’article, intitulé « Quebec’s first novel is a dark, bloody affair », mentionne brièvement que le premier roman vient d’être traduit. Comme c’est souvent le cas, la majorité de la critique porte sur l’original de De Gaspé. Thatcher éclaire le lecteur quant au contexte de production de l’original, puis émet ses commentaires sur l’intrigue et le style narratif de l’auteur. Les deux derniers paragraphes portent sur la traduction du roman. Elle explique que l’éditeur a choisi d’utiliser la version originale publiée en 1837 et de noter les changements majeurs effectués par Casgrain à la fin de l’ouvrage. Par la suite, Thatcher écrit que l’entreprise de traduction a été bien réussie par Rothman : « This is Claire Rothman’s first literary translation, and she does a fine job of reproducing the English of the period ». Elle continue d’ailleurs en soulignant que les faiblesses du roman, à savoir le manque de développement des personnages et la narration décousue, sont des défauts appartenant à l’original de De Gaspé et non à la traduction. Elle conclut en disant que la traduction de L’Influence d’un livre permet d’ouvrir une fenêtre sur la vie littéraire du début du xixe siècle[8]. Ainsi, la critique de Thatcher est essentiellement positive. Toutefois, la majorité de son article a pour objectif de contextualiser le roman de De Gaspé et elle ne fait qu’un seul commentaire sur la traduction.

La deuxième critique paraît dans le numéro de l’été 1994 de la revue Matrix et est le travail d’Anne Cimon. Cette dernière est une écrivaine et une auteure établie à Saint-Lambert près de Montréal. Elle a publié quatre livres de poésie en plus de nombreux articles et critiques littéraires. L’article vante les mérites de la traduction dès le premier paragraphe. Anne Cimon écrit que L’Influence d’un livre, que l’on considère comme le premier roman québécois, vient tout juste d’être traduit vers l’anglais. À propos des talents de traductrice de Rothman, elle écrit : « It is a little-known work now skillfully and smoothly translated by Montreal writer Claire Rothman ». Par la suite, Cimon contextualise, elle aussi, la production de L’Influence d’un livre tout en décrivant brièvement l’intrigue. Elle conclut en affirmant que le roman vaut la peine d’être lu : « Today The Influence of a Book proves an entertaining, lively and atmospheric book, most valuable as an historical document privy to the first stirrings of the Quebec literary imagination »[9].

Nous avons également cherché les articles de journaux annonçant la remise du prix John-Glassco à Claire Rothman. Comme nous l’avons écrit plus haut, la Gazette et La Presse ont publié le communiqué de presse de l’ATTLC. Dans la Gazette, l’article « Columnist wins translation prize » est publié deux fois, à savoir le samedi 7 mai et le dimanche 8 mai 1994. À propos de la traduction de Rothman, nous lisons : « The judges described Rothman’s translation as “thoroughly enjoyable and full of verve” and “an invaluable contribution to Canadian literature” »[10]. Il faut toutefois attendre le 29 mai avant que La Presse reprenne l’information en français. Dans l’article « Le prix de traduction littéraire », on apprend que « [l] e jury a loué le formidable travail de la traductrice et son intention de révéler aux lecteurs canadiens-anglais une oeuvre importante, malheureusement encore méconnue d’eux »[11].

Il est trop tôt pour déterminer si The Influence of a Book saura résister au passage du temps. Toutefois, il est difficile de faire des prédictions positives, car la traduction n’a pas été réimprimée. Il faut se la procurer chez des marchands de livres rares ou usagés et, selon Worldcat, il n’y a que 57 bibliothèques dans le monde qui possèdent un exemplaire de l’ouvrage. La publication d’une retraduction nous semble également improbable, car il a fallu 150 ans avant qu’il y ait un intérêt pour une version anglaise. Pour conclure, il est indéniable que la traduction est née du désir de faire connaître cette icône de la littérature canadienne-française aux Canadiens de langue anglaise. Une question demeure toutefois sans réponse : pourquoi s’est-il écoulé plus d’un siècle et demi avant la publication d’une version anglaise du premier roman canadien-français ?

3.2. Les Anciens Canadiens

De son côté, Les Anciens Canadiens, par Aubert de Gaspé père, est publié en 1863. Roman le plus connu de cette époque, il est le premier et probablement le plus grand succès commercial issu de la littérature du xixe siècle. La première édition ainsi que celle de 1864 se sont écoulées en quelques mois seulement[12].

Il s’agit du seul ouvrage de notre corpus à avoir fait l’objet de plus d’une traduction. Signe du grand engouement pour Les Anciens Canadiens, la première, signée Georgiana M. Pennée, paraît en 1864. Nous savons que Georgiana M. Ward Pennée a une très bonne connaissance du français, car elle enseigne cette langue. Elle est d’ailleurs probablement établie dans la région de Québec, car plusieurs de ses autres ouvrages sont publiés par des imprimeurs établis dans la ville de Québec.

Publiée par la même maison d’édition à Québec que l’original, la traduction ne contient aucune préface. Dans ce contexte, il est difficile de connaître les raisons qui ont motivé Ward Pennée à entreprendre sa traduction. Nous supposons que le succès de l’édition originale française a suffi à convaincre la traductrice et l’éditeur G. & G.E. Desbarats de se lancer respectivement dans la traduction et dans son impression. Une réédition revue par l’auteur paraît également la même année que la traduction chez cet éditeur. Bref, nous croyons que l’engouement pour le roman d’Aubert de Gaspé père aurait eu des échos jusque chez les anglophones, ce qui aurait mené à la production d’une traduction. Il se pourrait aussi que ce soit Aubert de Gaspé lui-même qui ait demandé que son roman soit traduit. Aubert de Gaspé est un anglophile qui a précédemment exercé le métier de traducteur. L’abbé Casgrain va jusqu’à affirmer qu’il aurait traduit la totalité de l’oeuvre de l’écrivain écossais Walter Scott. Un fait vérifiable est que les influences du romancier écossais Walter Scott sont évidentes dans Les Anciens Canadiens (Simon 1988 : 35). La version de Pennée a reçu des critiques favorables dans The London Review et The Dublin Review. Près du tiers de la critique du The Dublin Review vante d’ailleurs les mérites de la traductrice :

Much credit is due to the translator. The work is rendered into good flowing and easy English, and bespeaks not only a perfect knowledge of both tongues, seldom possessed by those who undertake the task, but a power of thinking out the ideas of one tongue in another, still more rare, contained with much freedom of style and mastery of language.[13]

Cette critique très positive étonne, particulièrement le fait que l’on mette de l’avant « le style libre et la maîtrise de la langue » de la traductrice, car dans les faits la traduction de Ward Pennée est plutôt littérale et le style, maladroit. Ward Pennée disait elle-même privilégier le sens au détriment du style. Ici, il est intéressant de souligner que le frère de Georgiana Ward Pennée est William George Ward, un auteur et théologien reconnu de l’époque. Entre 1863 et 1878, il est éditeur du Dublin Review, un trimestriel catholique d’envergure[14]. Dans ce contexte, il est aisé d’en venir à la conclusion que William George Ward est responsable du commentaire favorable que reçoit la traduction des Anciens Canadiens dans le périodique qu’il édite. Finalement, mentionnons que la traduction de Pennée a été rééditée en 1929 par Thomas Guthrie Marquis sous le titre Seigneur d’Haberville (Canadians of Old) : A romance of the Fall of New France à la maison d’édition torontoise The Musson Book Company.

La deuxième traduction paraît en 1890 et est réalisée par Sir Charles G. D. Roberts, qui est connu comme le père de la littérature canadienne-anglaise. Nous étudierons un peu plus longuement cette traduction qui est sans aucun doute celle qui a profité de la meilleure réception. Cette version est commanditée par D. Appleton and Company, une maison d’édition américaine d’envergure basée à New York. Michael Woodsworth souligne que dans les années qui ont précédé la traduction de Roberts, il y avait un grand intérêt pour les relations canado-américaines, tant sur le plan politique que culturel. En 1890, près d’un million de Canadiens résident aux États-Unis. C’est dans ce contexte qu’Erastus Wiman fonde le premier Canadian Club of New York où se rencontre l’élite canadienne expatriée aux États-Unis. D’ailleurs, Roberts est membre de la Canadian Society of New York mise sur pied en 1897 (Woodsworth 2011 : 139 ; 140-141 ; 151). Nous croyons donc que cet intérêt pour les relations entre le Canada et les États-Unis a représenté un contexte favorable à la traduction de la littérature canadienne-française.

La publication de Canadians of Old a été très rapide à l’automne 1890. La traduction des Anciens Canadiens de Roberts est la version anglaise de notre corpus qui offre le plus d’informations quant à sa réception critique. Nous sommes ainsi à même d’inférer que la traduction Canadians of Old a profité d’une bonne réception chez nos voisins du Sud. Nous avons retracé 29 mentions de la traduction dans les journaux américains, qui vont de la simple annonce à la critique. La maison d’édition Appleton publicisait ses nouvelles parutions dans un grand nombre de journaux. Nous avons également retrouvé trois critiques. Nous tenons à mentionner que le nom de Charles G. D. Roberts est presque toujours mis à l’avant-plan. La traduction d’Appleton est un projet sérieux : la maison d’édition a investi 200 $ pour rémunérer le traducteur et a publicisé à grande échelle la parution de la version anglaise. Cet effort de publicité a manifestement aidé la diffusion et la vente de la traduction, en plus de créer un engouement pour qu’elle soit réimprimée, rééditée en 1905 sous le titre Cameron of Lochiel et incluse dans la New Canadian Library en 1974. Le succès à long terme de la traduction est sans doute attribuable, en grande partie, au prestige associé au nom de Sir Charles G. D. Roberts.

Sherry Simon s’est également penchée sur la réception de la traduction de Roberts. Dans un article de 1988, elle explique que la version de Roberts est un texte historiquement significatif, parce qu’il s’agit d’une retraduction et que les éditions de 1890 et de 1905 sont accompagnées de longues préfaces. De plus, lors de l’inclusion de l’oeuvre dans la New Canadian Library, le nom de Roberts obscurcit totalement celui d’Aubert de Gaspé. Elle conclut que la traduction de Roberts est celle qui s’est imposée (au détriment de la traduction de Pennée et de la version abrégée de Marquis). Simon s’interroge ensuite sur le type de traduction produite par Roberts. Elle postule que la version de Roberts est ethnocentrique et hypertextuelle. Pour Simon, l’ethnocentrisme est démontré, entre autres, par le fait que Roberts élimine les marqueurs dialectaux présents chez le personnage de José et l’hypertextualité par les procédés de réécriture utilisés pour créer des effets de style (Simon 1988 : 36-37). Ainsi, pour Simon le fait que la version de Roberts soit passée à l’histoire littéraire témoigne de l’importance que l’on donne au style : « The translation has been accredited on the grounds of its acceptability within the literary canons of the receiving culture » (Simon 1988 : 38). En privilégiant la lisibilité et en mettant l’accent sur le style, Roberts a donc produit une version acceptable pour son lectorat, ce qui a grandement contribué à la réception favorable dont a profité (et profite toujours) sa traduction.

La dernière traduction des Anciens Canadiens a paru en 1996. Elle est l’oeuvre de Jane Brierley, traductrice littéraire reconnue. Elle est l’instigatrice du projet de retraduction de l’oeuvre phare d’Aubert de Gaspé, qu’elle justifie en expliquant que les deux traductions précédentes n’étaient pas adéquates. Brierley nourrit d’ailleurs un intérêt marqué pour Aubert de Gaspé, elle a précédemment traduit ses deux autres oeuvres. Dans un article publié en 1995, dans lequel elle parle de sa traduction des Anciens Canadiens et, surtout, des deux traductions précédentes, elle écrit : « In fact, knowing that I would one day want to do a new translation of this particular work, I had studiously avoided taking anything more than a brief look at the two earlier translations » (Brierley 1995 : 163). Un peu plus loin : « I felt it was time to give Les Anciens Canadiens a fresh chance to emerge for the novel it was. With the blessing of my publisher and the Canada Council, I set to work » (Brierley 1995 : 165). Nous apprenons donc que Jane Brierley a bénéficié d’une subvention du Conseil des arts du Canada pour la réalisation de sa traduction[15].

Pour ce qui est de la réception, mentionnons d’entrée de jeu que Jane Brierley a reçu en 1997 une nomination pour le prix du Gouverneur général pour sa traduction de Canadians of Old[16]. Lorsque vient le temps de présenter la traduction, on met d’ailleurs l’accent sur le fait que Jane Brierley a par le passé gagné de nombreux prix : « With this new translation by an award-winning translator, English-language readers will at last be able to appreciate de Gaspé’s book in its entirety. » Il existe également deux critiques de la traduction. La première, qui paraît dans la Gazette du 5 janvier 1997, affirme que la traduction des oeuvres d’Aubert de Gaspé pourrait contribuer à la réconciliation entre les francophones et les anglophones, ou pour reprendre les mots de l’auteure de la critique, les « deux solitudes »[17]. L’article nous informe sur la vision que Jane Brierley a d’Aubert de Gaspé, de ses oeuvres et de la littérature de l’époque, mais il n’est jamais question de la traduction comme telle. Il n’en demeure pas moins que cet article nous permet de constater que la traduction a été remarquée. La deuxième critique paraît dans la revue savante University of Toronto Quarterly et est signée par Jane Koustas. Pour Koustas, il ne fait aucun doute qu’une retraduction était nécessaire : « One only has to read the caption of the illustration on the first page of Penné’s [sic] translation, “How are you Jose ? and how have you left them all at home ?” and the title of Roberts’s final version [Cameron of Lochiel, NDA] to appreciate the need for a makeover » (Koustas 1998-1999). De plus, Koustas mentionne à quelques reprises la traduction des Anciens Canadiens de Brierley dans ses contributions scientifiques (Koustas 2002, 2008, 2009).

Finalement, d’un point de vue traductionnel, la version de Brierley est plus proche du texte d’Aubert de Gaspé et ne contient que très peu de déformations ou d’erreurs de sens. Néanmoins, nous ne sommes pas convaincue que cette traduction réussira à s’imposer, car celle de Roberts est plus largement diffusée dans les bibliothèques et profite d’une longue réception favorable en raison du prestige associé à son traducteur. En plus des grands efforts publicitaires, nous sommes d’avis que le sujet même des Anciens Canadiens n’est pas étranger à sa traduction rapide et à son inscription à l’histoire littéraire. En effet, le roman – présenté en quelque sorte comme les souvenirs de l’auteur – relate la vie des Canadiens avant la Conquête et les tensions linguistiques, en plus de mettre l’accent en fin d’ouvrage sur la réconciliation entre les deux peuples. Ainsi, le caractère historique a sans doute suscité l’intérêt et aiguillé la curiosité des lecteurs anglophones en Amérique du Nord.

3.3. Angéline de Montbrun

Angéline de Montbrun est le premier roman de Laure Conan, première femme à s’imposer sur la scène littéraire canadienne-française, de même que la première femme à vivre de sa plume dans le Québec du xixe siècle. Paru en feuilleton en 1881, puis en volume en 1884, Angéline de Montbrun est perçu comme le premier roman psychologique de la littérature québécoise. La publication de 1884 est d’ailleurs accompagnée d’une préface de l’abbé Casgrain, ce qui confère un certain prestige au travail de l’écrivaine. Au total, cinq éditions paraissent du vivant de l’auteure, puis le roman est réédité trois fois chez Fides.

La traduction qui voit le jour en 1974 est le travail d’Yves Brunelle, professeur au Département d’anglais de l’Université St. Francis Xavier, en Nouvelle-Écosse. Brunelle a beaucoup oeuvré afin de valoriser l’enseignement et la recherche de la littérature canadienne au Département d’anglais de l’Université St. Francis Xavier. Il a d’ailleurs élaboré un cours de littérature québécoise, dans lequel on lisait des oeuvres traduites[18]. Nous postulons donc que c’est son intérêt pour la diffusion de la littérature canadienne et québécoise qui l’a motivé à entreprendre la traduction anglaise d’Angéline de Montbrun.

Ce n’est qu’en 1974, soit près d’un siècle après sa publication en français, qu’Angéline de Montbrun a fait l’objet d’une traduction vers l’anglais, un fait surprenant étant donné la bonne réception de l’oeuvre à l’époque et le fait que le roman ait fait l’objet de nombreuses études et critiques littéraires au fil des ans. Pour des raisons que l’on ignore, l’ouvrage n’a pas su susciter l’intérêt du Canada anglais dans les années suivant sa publication. Néanmoins, cette version contient une introduction substantielle rédigée par le traducteur. Par contre, elle porte exclusivement sur l’oeuvre originale et son auteure. Brunelle n’apporte aucun commentaire sur le processus de traduction et la manière dont il l’a effectuée. Il faut souligner que Brunelle est avant tout un professeur qui s’est donné comme mission de contribuer à la diffusion des oeuvres québécoises et non un théoricien de la traduction.

Pour ce qui est de la réception, tout comme la traduction de L’Influence dun livre, celle d’Angéline de Montbrun par Yves Brunelle est épuisée. Publiée en 1974, elle n’a pas fait l’objet d’une réimpression. Cependant, il est facile de se procurer un exemplaire en bibliothèque, car selon WorldCat, 189 bibliothèques à travers le monde possèdent l’ouvrage. Ces dernières sont situées principalement au Canada (Québec, Ontario, Nouveau-Brunswick) et aux États-Unis, mais il y a également quatre bibliothèques allemandes qui possèdent un exemplaire de la traduction de Brunelle. Quelques exemplaires sont également disponibles chez des marchands de livres usagés et rares.

Nous avons retrouvé une annonce de publication dans The Taramack Review. Placée en deuxième de couverture du numéro de juin 1975, cette annonce souligne clairement que la traduction et l’introduction sont de la plume de Brunelle. La notice est elle-même assez brève et on y souligne les mérites de l’oeuvre originale : « Translated into English for the first time in this volume, Angéline de Montbrun is a landmark in the history of Canadian Literature. Laure Conan was the first woman novelist in French Canada and the first writer in all Canada to attempt a roman danalyse »[19]. L’annonce explique également que les nombreuses analyses récentes du roman témoignent de la complexité du personnage d’Angéline.

Angéline de Montbrun est un roman très étudié, et la traduction d’Yves Brunelle est souvent mentionnée dans les articles et ouvrages parus depuis 1980, mais elle n’est jamais commentée. Néanmoins, l’introduction écrite par Yves Brunelle a été remarquée. Son existence est soulignée dans les ouvrages et articles suivants : A Critical Bibliography of French Literature (Brooks 1980 : 130), « The Québécois- and English-Canadian Literary System : Translation, Republishing, and the Preface » (Perkes 1997), « Consolation and the Work of Mourning in Angéline de Montbrun » (Carr 1998). De plus, de nombreux articles sur Laure Conan et sur Angéline de Montbrun font référence à la traduction de Brunelle. D’ailleurs, une simple recherche dans Google Books avec les mots exacts « Yves Brunelle Angéline de Montbrun » produit 78 résultats.

La traduction d’Yves Brunelle n’a pas fait l’objet de critiques ni d’études. C’est d’ailleurs ce que constate à regret David M. Hayne dans son compte-rendu Relire Angéline de Montbrun au tournant du siècle : « Il est à regretter aussi qu’aucun traducteur ou traductologue n’ait examiné à fond la traduction anglaise du roman publié en 1974 par Yves Brunelle » (Hayne 2009).

3.4. À l’oeuvre et à l’épreuve

Nous avons également étudié un autre roman de Laure Conan, À l’oeuvre et à l’épreuve. Publié en 1891, il s’agit d’un roman historique qui vante les exploits de Samuel de Champlain et des missionnaires jésuites, en particulier ceux du père Charles Garnier. Le roman est publié à Paris en 1893 et réédité à Montréal en 1914. Conan reçoit également l’ordre des Palmes académiques du gouvernement français pour son roman.

Le roman est traduit assez rapidement en 1909 au Missouri par Theresa A. Gethin sous le titre The Master Motive : A Tale of the Days of Champlain. La traduction est publiée par la filiale américaine de la maison d’édition B. Herder qui se spécialise dans les ouvrages religieux. La maison d’édition a probablement commandité la traduction anglaise du roman de Laure Conan parce qu’il relate la carrière d’un missionnaire jésuite. En 1956, Lethem Sutcliffe Roden postule, dans sa thèse de doctorat, que Theresa A. Gethin est le pseudonyme du prêtre canadien Edward James Devine. Toutefois, cette affirmation n’est accompagnée d’aucune note bibliographique et nous n’avons pas pu la valider. Le père Devine ayant un intérêt marqué pour les martyrs de la Nouvelle-France, dont fait partie Charles Garnier, il est possible de croire qu’il était intéressé par une oeuvre de fiction ayant comme protagoniste le père Garnier. Pourquoi avoir eu recours à un pseudonyme ? L’utilisation du pseudonyme, à notre sens, serait plutôt liée au fait que l’auteure est une femme. Il n’en demeure pas moins que l’utilisation d’un pseudonyme féminin est un choix pour le moins étrange, car à l’époque les femmes étaient des citoyennes de second ordre, considérées comme moins compétentes et moins crédibles que les hommes. En empruntant un pseudonyme féminin, le père Devine s’expose par le fait même aux préjugés dont les femmes sont victimes. La tendance était d’ailleurs complètement inverse : c’était les écrivaines qui publiaient sous un pseudonyme masculin. Cela dit, au xixe siècle dans le monde anglophone, l’écriture romanesque avec ses caractéristiques féminines et sentimentales est perçue comme une activité convenant davantage aux femmes. Angéline de Montbrun était un roman psychologique, donc féminin, sa traduction convenait donc peu à un homme, ce qui pourrait également expliquer le recours au pseudonyme. Il était également possible que le père Devine perçoive la traduction comme une tâche essentiellement féminine. Sherry Simon explique d’ailleurs que la féminité de la traduction est un fait historique. La traduction (la traductrice) était considérée comme inférieure au texte original (à l’auteur) de la même manière que la femme était subordonnée à l’homme (Simon 1996 : 1). D’un autre côté, l’activité de traduction a permis à un grand nombre de femmes d’avoir accès au monde des lettres et de participer à la vie sociale (Simon 1996 : 3). Ainsi, une autre raison est que le père Devine ait choisi un pseudonyme féminin parce qu’il voyait la traduction comme un dérivé de l’original. Mentionnons que nous ne sommes pas en mesure d’établir un lien entre le père Devine et la maison d’édition B. Herder. À l’époque de la publication de The Master Motive, Devine est de retour à Montréal après quelques années passées en mission dans les Territoires du Nord-Ouest et en Alaska. Les autres ouvrages de Devine sont publiés soit à Montréal, soit à New York.

De toutes les traductions à l’étude, The Master Motive est sans aucun doute celle qui est le plus passée inaperçue. D’ailleurs, une recherche dans Google avec la phrase exacte « The Master Motive A Tale of the Days of Champlain » ne donne que 19 résultats, et, selon WorldCat, seules cinq bibliothèques en possèdent un exemplaire, dont la BAnQ et la Library of Congress. Comme l’ouvrage fait partie du domaine public, il a été numérisé par la BAnQ et est conservé dans sa collection numérique. Publiée il y a plus de 100 ans, la traduction n’a jamais été réimprimée.

Malgré tout, nous avons trouvé une annonce de la publication de la traduction dans le Catholic World[20]. La note est publiée dans une section qui liste des ouvrages d’intérêts en ce qui a trait aux célébrations entourant le tricentenaire de l’arrivée de Champlain en Amérique du Nord. La parution de The Master Motive est également soulignée dans la section « With Authors and Publishers » de la revue Ave Maria. On y indique le nom de l’auteure, de la traductrice (Theresa A. Gethin) et de la maison d’édition. Le reste de l’annonce propose un résumé du récit en mettant à l’avant-plan la vocation religieuse du père Garnier. C’est le caractère religieux du roman qui légitime la lecture : « We have found “The Master Motive” a deeply interesting and deeply edifying book »[21]. La publication de la traduction est également annoncée dans The American Ecclesiastical Review[22], ainsi que dans le Catholic Fortnightly Review, dans la section « Herder’s Book List »[23]. On fait également mention de la traduction dans le Catalogue of Copyright Entries de la Library of Congress[24], ainsi que dans The Annual American Catalogue[25]. Ainsi, nous en venons à la conclusion que le lectorat cible de la traduction The Master Motive est constitué de membres du clergé et de leurs fidèles catholiques.

La traduction est également mentionnée dans la section « References for Reading » du chapitre 28 de l’ouvrage History of the Catholic Church, « The Church in the Mission »[26]. Nous la retrouvons également dans Translations of Foreign Novels : A Selected List[27]. Dans sa préface, l’auteure de la liste mentionne que toutes les traductions incluses dans sa liste sont disponibles à la New York Public Library. Il se dégage de nos recherches qu’au moment de la publication, The Master Motive a été remarqué presque exclusivement dans des revues et des ouvrages publiés par des instances catholiques, ce qui n’a rien de surprenant, car, comme nous l’avons expliqué plus haut, la maison d’édition Herder se spécialisait dans la publication d’ouvrage religieux.

Plus proche de nous, la traduction est mentionnée dans The Feminist Companion to Literature in English (Blain, Clements et al. 1990 : 229) et The Concise Oxford Companion to Canadian Literature (Toye 2011 : 19). Dans une communication portant sur la traduction de la littérature pour la jeunesse au Canada et présentée dans le cadre du congrès annuel de 1986 de l’International Association of School Librarianship, André Gagnon (1986 : 134) mentionne brièvement la traduction en affirmant qu’À l’oeuvre et à l’épreuve est le premier roman à être traduit vers l’anglais au xxe siècle. Gagnon (1987) publie également un article sur le même sujet dans la revue Canadian Children’s Literature/Littérature canadienne pour la jeunesse.

4. Conclusion : la réception des traductions à l’étude – des parcours bien inégaux

Notre objectif était d’étudier la réception des traductions par l’entremise du discours critique dans les journaux, tout en tenant compte du fait que les traductions sont généralement peu remarquées par les critiques littéraires. Nous sommes donc partie à la recherche des critiques publiées dans le but d’en analyser le contenu et, grâce à ces informations éparpillées dans le temps, nous pensions être en mesure de retracer le parcours de réception critique des traductions ayant moins rayonné au moment de leur publication.

Le roman le moins connu de notre corpus est À l’oeuvre et à l’épreuve de Laure Conan, même si une traduction paraît moins de vingt ans après la publication de l’original, en 1909 au Missouri. Cette traduction a été remarquée dans des revues catholiques. Nous n’avons pas retrouvé de critique de la version anglaise du roman, version d’ailleurs qui n’a pas su résister au passage du temps. Aujourd’hui, seulement cinq bibliothèques dans le monde en possèdent un exemplaire. Malgré tout, la traduction a été remarquée à quatre reprises au fil de l’histoire. Elle est brièvement mentionnée dans The Feminist Companion to Literature in English et dans The Concise Oxford Companion to Canadian Literature. André Gagnon en fait aussi la mention dans deux articles portant sur la traduction de la littérature canadienne pour la jeunesse. Ces brèves mentions ne nous permettent toutefois pas de reconstruire un discours critique autour de The Master Motive, car la traduction n’est pas commentée.

De son côté, Angéline de Montbrun est l’oeuvre phare de Conan, cette romancière qui a été la première femme à se tailler une place sur la scène littéraire canadienne-française. L’oeuvre originale a d’ailleurs fait l’objet d’un grand nombre d’études et de lectures différentes. Sa traduction paraît en 1974 dans une collection dont l’objectif est de démontrer l’existence d’une littérature canadienne par la réimpression des classiques. Le traducteur Yves Brunelle est d’ailleurs un défenseur de la littérature canadienne-française au sein de son université. Malgré ce désir de diffusion, la traduction d’Angéline de Montbrun n’a pas été remarquée par la critique : nous n’avons retrouvé qu’une annonce de parution publiée dans le numéro de juin 1975 du Taramack Review. Au fil du temps, l’introduction d’Yves Brunelle a toutefois été commentée dans quelques textes : A Critical Bibliography of French Literature, « The Québécois- and English-Canadian Literary System : Translation, Republishing, and the Preface » et « Consolation and the Work of Mourning in Angéline de Montbrun ». Néanmoins, c’était plutôt l’introduction de Brunelle, et non sa traduction, qui a attiré l’attention du public.

Il s’est écoulé plus de 150 ans entre la publication de LInfluence dun livre et la parution de sa traduction anglaise. Nous aurions cru que la traduction du premier roman canadien-français aurait été célébrée, mais nous n’avons retrouvé qu’une annonce de parution et deux critiques. La traduction est mise de l’avant dans les deux critiques que nous avons analysées. Ainsi, on souligne que les défauts de The Influence of a Book (personnages peu développés et narration décousue) sont attribuables à De Gaspé et non à Rothman, qui a d’ailleurs traduit l’oeuvre d’une main de maître. La qualité de la traduction a été attestée par l’Association des traducteurs et traductrices littéraires du Canada qui a remis le prix John-Glassco à sa traductrice. L’avenir de cette traduction est toutefois incertain : elle est épuisée et disponible dans seulement 57 bibliothèques. De plus, De Gaspé fils est souvent éclipsé par son père et des études sur Les Anciens Canadiens.

Dans cet ordre d’idées, la traduction qui a le plus rayonné parmi les romans à l’étude est sans aucun doute la traduction des Anciens Canadiens effectuée par Charles G. D. Roberts en 1890. Au moment de la publication de la version anglaise à l’automne 1890, la maison d’édition Appleton annonce sa parution dans une vingtaine de journaux, habituellement dans une section intitulée « D. Appleton & Co.’s New Books ». Cet effort de publicité a clairement aidé la diffusion et la vente de la traduction, en plus de créer un engouement pour qu’elle soit réimprimée, rééditée et incluse dans la New Canadian Library. La traduction de Roberts a également fait l’objet de trois critiques. Par contre, ces critiques ne se penchent pas sur la qualité ou les mérites de la traduction et font plutôt l’éloge du style d’Aubert de Gaspé et du thème du roman. La publication de la traduction a également été remarquée dans le Canada français et la réédition de 1905 a fait l’objet d’une critique où l’on insiste sur le fait que Roberts a permis au lecteur américain d’avoir accès à ce classique de la littérature canadienne-française. Roberts était alors devenu un poète et un romancier acclamé. Le succès à long terme de la traduction est donc attribuable au prestige associé au nom de Sir Charles G. D. Roberts.

Bien qu’elles n’aient pas profité de la même diffusion que la traduction de Roberts, les deux autres traductions des Anciens Canadiens n’ont pas passé inaperçues. Rappelons que la première traduction des Anciens Canadiens est soulignée par l’abbé Casgrain et fait l’objet de deux critiques, dont une particulièrement favorable dans le magazine dirigé par son frère, The Dublin Review, et ce, à une époque où les espaces dédiés à la critique littéraire se font rares. Ce lien explique que l’on vante dans la critique la lisibilité et la maîtrise de la langue de la traductrice, alors que des analyses contrastives (la nôtre et celle de Brierley) ont démontré la présence d’un style lourd et d’erreurs de sens. La traduction de Pennée est d’ailleurs rapidement éclipsée par celle de Roberts. Pour ce qui est de la traduction de Brierley, elle avait pour but de remédier au phénomène de réécriture caractéristique de la traduction de Roberts et de présenter une traduction complète de l’oeuvre. Mise en nomination pour le prix du Gouverneur général, la traduction a fait l’objet d’une annonce de parution et d’une critique dans les journaux. Parus à l’hiver 1997, ces deux articles mettent de l’avant la traductrice, mais ne formulent pas de commentaire sur la traduction comme telle. Dans un article scientifique, la traductologue Jane Koustas s’est également penchée sur la traduction en expliquant que les deux premières traductions avaient de sérieuses lacunes et que celle de Brierley est complète, adéquate et lisible. D’un point de vue traductionnel, la version de Brierley est plus proche du texte d’Aubert de Gaspé père et ne contient que très peu de déformations ou d’erreurs de sens. Néanmoins, nous ne sommes pas convaincue que cette traduction réussira à s’imposer, car celle de Roberts est plus largement diffusée dans les bibliothèques et profite d’une longue réception favorable en raison du prestige associé à son traducteur.